… notre vision aussi.
Avec les années, on prend conscience que l’escalade n’est pas une affaire d’abîmes insondables, d’audaces téméraires ni de domestication du vertige. De même qu’elle ne peut se réduire à une lutte héroïque contre la montagne ou à un ultime défi aux lois de la nature.
Celui qui le pense fait fausse route. Celui qui l’écrit cherche à (s’)impressionner.
La vérité est que l’univers du grimpeur se réduit à une poignée de centimètres : à ce petit périmètre délimité par notre maigre envergure.
Pas de vide, pas d’abîmes.
Juste un éphémère territoire dans lequel il doit trouver une prise. Rien ne sert de chercher ailleurs, une seule prise accessible suffit pour s’élever et changer d’horizon. Puis, il faut recommencer à nouveau : caresser la roche insensible, transformer le toucher en vision, l’intuition en savoir et la puissance en maitrise.
Pas de lutte, pas de défi.
Juste une négociation avec le monde minéral qui doit accoucher d’un compromis instable : une autorisation de passage provisoire.
L’esprit n’est terrifié par le vide que s’il se détourne de son objectif à très court terme.
Les muscles ne tétanisent que s’ils ne respectent pas les équilibres.
Le corps ne doit lutter que s’il ne parvient pas à déchiffrer la partition du rocher.
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