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[quote]Des Assises de l’alpinisme et des activités de montagne
I. Pourquoi ?
Au cours des dernières décennies, sous les effets de la véritable mutation des activités de loisirs dans tous les pays développés, les sports de montagne ont connu une diversification des pratiques avec, en particulier, l’aménagement d’espaces jusque là délaissés. De nouvelles offres à caractère touristico-sportif se sont multipliées autour de l’univers de l’eau vive (Rafting, hydro speed, air boat,…), de l’air (Deltaplane, parapente, ski riding,…), de la verticalité (escalade, via ferrata, parc d’aventure, »…) mais aussi de la neige et de la glace (Free ride, Free style, cascades de glace, …). A coté des zones de la haute montagne, territoire de prédilection des activités de montagne habituelles comme la randonnée, l’alpinisme ou le ski de raid, des sites destinés au « grand public », ont vu le jour. Il s’agit d’espaces aménagés de manière relativement standardisée qui permettent de s’adonner aux nouveaux loisirs récréatifs en toute sérénité (Parc aventure, tyrolienne,…). Accessibles aux collectivités, aux clients individuels comme aux familles, ces différents sites proposent des expériences de prise de risque simulé, sources de plaisir partagé et de sensations inoubliables. Dans ces activités à forte intensité émotionnelle, la sécurité est totalement prise en charge par l’encadrement professionnel ou intégrée dans la conception même de l’équipement comme les « lignes de vie » utilisées en via ferrata ou en parcours acrobranche. Dés lors, la montée en puissance des activités de fond de vallée est venue contrebalancer la symbolique qui valorisait les espaces de haute altitude, en recentrant la dynamique des pratiques de la montagne sur de nouveaux territoires de moindre altitude. (Lettre de l’OPMA n°17).
Simultanément, la mise en scène des performances sportives et leur promotion par le recours aux images spectaculaires semblent devenir les nouvelles manières de construire les figures de l’héroïsme moderne, y compris dans les activités de montagne (nuits de la glisse, clips de free ride, film d’expédition, etc.). Cette situation a encouragé les communes de montagne à essayer d’associer leur nom à l’organisation d’évènements médiatiques et festifs autour des sports de montagne. On assiste ainsi à la multiplication des manifestations sportives compétitives en montagne, encadrées et codifiées, comme les coupes du monde d’escalade ou de cascade de glace, les courses de ski de montagne, les trails et autres raids aventure, etc.
Ces regroupements associant les « As d’une discipline et la masse des participants anonymes » obligent leurs organisateurs à baliser les itinéraires et à sécuriser les zones traversées, y compris en haute montagne. Ces formes de pratique sportive caractérisées par un nouveau rapport avec la montagne, empiètent de plus en plus sur les espaces naturels jusque-là préservés, et modifient les représentations de la haute montagne en les banalisant.
Aux yeux du grand public, ces manifestations de plus en plus fréquentes laissent penser que les activités de montagne deviennent des sports comme les autres se déroulant dans des milieux aménagés et standardisés. Elles brouillent l’image et les valeurs de la culture montagnarde tournée, elle, vers la recherche de la liberté, de l’authenticité, de l’autonomie et de la responsabilité (Lettre de l’OPMA n°27).
Face à cette situation, un certain nombre d’alpinistes ont le sentiment que ces évolutions tendent à réduire et dénaturer leur activité en tant que pratique d’aventure, avec tout ce que celle-ci comporte d’invention, d’imagination et d’initiatives responsables. Sans mettre en cause les diverses pratiques de la montagne qui veulent répondre à la fois aux besoins d’un tourisme de masse et aux inquiétudes sécuritaires de notre société, il leur paraît important que soit distinguée, reconnue et valorisée la spécificité des activités qui relèvent d’une démarche comme celle de l’alpinisme. Ils revendiquent pour ces dernières leur appartenance à un autre type de loisir physique que ceux centrés sur la compétition ou les activités non autonomes. Elles sont d’une autre espèce, parce qu’elles sont d’abord confrontation gratuite de l’homme avec une nature préservée, et non confrontation des hommes entre eux ou avec une nature aménagée et transformée
Cette question prend une acuité particulière dans le contexte actuel du fait du désengagement de l’Etat à l’égard des politiques de promotion des loisirs pour tous, notamment en faveur de la découverte de la montagne. Au lendemain de la libération, l’UNCM (Union nationale des centres de montagne) pour la montagne et l’UNV (Union nationale de voile) pour la mer avaient comme mission de faciliter l’accès des jeunes à ces pratiques de nature, quelles que soient leurs origines sociales. En 1965, ces deux structures ont fusionné pour donner naissance à l’UCPA (Union des centres plein air). Aujourd’hui, cet organisme a du mal à assumer cette mission initiale faute de subventions de l’Etat et d’une volonté politique clairement affichée. Simultanément, les classes de neige, les classes vertes, les séjours à la montagne pour les enfants et les adolescents sont soumis à des contraintes administratives et réglementaires de plus en plus drastiques. Les encadrants redoutent le moindre incident qui pourrait donner lieu à une mise en cause judiciaire sous la pression systématique des compagnies d’assurance privées.
Ces conditions générales font que pour les jeunes, les occasions de découverte des activités de montagne en accédant à une certaine autonomie se restreignent sérieusement. La situation est telle qu’elle ne contribue guère à diffuser auprès des nouvelles générations l’envie et le goût de s’adonner aux pratiques d’aventure en s’appropriant les techniques de sécurité. Elle devrait inciter les différents acteurs des régions de montagne à réfléchir à l’attractivité et au développement touristique de leurs territoires pour l’avenir.
II. Comment ?
Emanation des institutions représentant l’alpinisme et les activités de montagne au niveau national (GHM, FFME, FFCAM, syndicats professionnels) l’Observatoire des Pratiques de la Montagne et de l’Alpinisme (OPMA) souhaite ouvrir un large débat sur ces questions auprès de l’ensemble de la communauté. Les membres de l’OPMA sont en effet sensibles aux inquiétudes qui prennent forme aujourd’hui parmi les pratiquants. Ils partagent l’idée qu’il faut distinguer ces types d’activités les unes des autres et montrer que certaines d’entre elles seulement sont des pratiques d’aventure. Face à la multiplicité des pratiques de loisirs, il est important aujourd’hui de rendre visibles les activités de montagne non compétitives réalisées en autonomie, et de faire accepter le fait que certaines d’entre elles soient des pratiques d’aventure. Cela nécessite une meilleure prise en compte de l’alpinisme, de ses valeurs et de sa culture, hors du modèle de la compétition et de l’aménagement des espaces normalisés.
Divers travaux ont en effet montré que les sports de nature, l’alpinisme en particulier, se sont construits en prenant de la distance par rapport aux sports codifiés et standardisés. Leur spécificité a été définie au fil du temps, comme favorisant les possibilités de vivre des expériences de liberté et de responsabilité dans des univers incertains. Ce qui donne du sens à cet engagement comprenant une certaine prise de risque, c’est l’enrichissement personnel qu’il procure, la possibilité de se découvrir soi-même, d’entrer dans une relation forte avec d’autres du fait des difficultés surmontées ensembles, de mesurer sa propre capacité à sortir des sentiers balisés en maîtrisant sa sécurité.
Ces différentes dimensions confèrent à l’alpinisme comme à l’ensemble des autres activités d’aventure dans la nature, une position singulière dans l’espace des loisirs.
Pour que l’aventure reste possible pour les générations futures, il faut maintenant que la communauté des pratiquants se mobilise afin d’obtenir une véritable reconnaissance de l’importance de l’alpinisme et de sa signification pour l’individu comme pour la société. Sinon, la culture de l’alpinisme pourrait se banaliser, se diluer dans l’ensemble des activités de loisirs sportifs codifiés, au risque de devenir à terme incompréhensible pour le grand public. Une certaine confusion est d’ailleurs déjà perceptible aujourd’hui dans le vocabulaire et dans les représentations.
Cette invitation au débat nécessite d’être structurée dans le temps et sur l’ensemble de l’espace montagnard de l’hexagone. Le groupe que l’OPMA souhaite maintenant constituer, aura pour objectif de préparer des Assises nationale de l’alpinisme et des activités de montagne au cours de l’année 2011. Elles seront l’occasion pour les alpinistes de dire publiquement ce qu’ils souhaitent, et ce qu’ils attendent de l’Etat et des institutions qui organisent leurs pratiques.
D’ici là, ce groupe devra organiser un large débat en allant à la rencontre des pratiquants, et élaborer une synthèse prenant en compte la diversité de leur point de vue et de leurs pratiques.
Différentes interrogations seront soulevées lors de ces échanges. Nous en proposons ici une première ébauche.
III. Questions à débattre :
. Qu’est-ce que l’alpinisme vous apporte qu’aucune autre activité ne vous procure ?
. En quoi dans votre vie la pratique de l’alpinisme est-elle irremplaçable ?
. Qu’est-ce qui fait que ce que vous faites est ou n’est pas pour vous de l’alpinisme ?
Qu’avez-vous à dire :
- dans le domaine institutionnel (les fédérations, leur capacité à vous représenter et donc à intervenir auprès de l’opinion et des pouvoirs public) ;
- dans le domaine économique (la pression des aménageurs, des promoteurs, des fabricants ; le rôle de la publicité, des média) ;
- dans le domaine réglementaire (la sécurité, les conditions de circulation, d’encadrement, de fréquentation) ;
- dans les domaines éthique et pédagogique (l’attention à l’environnement, aux valeurs formatrices de la découverte, de l’autonomie, du risque calculé, de la responsabilité
L’OPMA (janv.2010)[/quote]