Annoncer un accident mortel à un enfant

Bonjour à tous,

Je n’ai pas trouvé si ce sujet a déjà été abordé sur le forum.

Un de nos copains s’est tué cette semaine en montagne suite à une chute mortelle en escalade. Il avait deux enfants, de l’âge des nôtres (7 et 4 ans).
Nous allons donc devoir apprendre la nouvelle à nos enfants, et surtout à notre aîné qui les connaissait le mieux.
C’est déjà un enfant sensible, vite angoissé et qui se pose beaucoup de questions existentielles ou fait des déductions poussées sur ces sujets de vie et de mort.

La grande difficulté pour nous sera d’accueillir les peurs qu’il va forcément avoir, du fait que son papa pratique également l’alpinisme et l’escalade (même si il a réduit drastiquement ses prises de risques et n’aurait par exemple jamais fait la course où a eu lieu le drame).

Avez-vous peut-être des retours d’expériences (malheureusement) ou des ressources sur ces situations en particulier (accident mortel) ?
Nous avons des livres abordant le sujet de la mort, mais jusqu’à présent il n’y a été confronté que par le décès de personnes très âgées.

Merci !

Bonjour kleir68,

J’ai en tête d’avoir des propos clairs, simples, de laisser la place aux questions, de ne pas apporter beaucoup d’informations d’un coup, de laisser l’enfant venir les chercher à son rythme, de lui répondre "je ne sais pas " quand c’est le cas, de dire sa propre peine.

Il pourra se souvenir longtemps de ce moment de l’annonce, alors se montrer doux et bienveillant est important.

Des conseils généraux mais utiles dans ce document:
https://acrobat.adobe.com/id/urn:aaid:sc:EU:7d8a474e-d3b7-405d-b817-2a38224e1f67

Bon courage.

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Bonjour,

Mon ex-femme est décédée il y a 2 jours. Ce n’est pas un accident de montagne, mais un décès « inexpliqué » (infarctus cardiaque ou embolie pulmonaire, pendant son sommeil, à l’âge de 66 ans). Je pense que cette survenue sans lien à une activité, pendant le sommeil, est tout aussi angoissante pour les petits-enfants. Ma fille en a 6, dont les âges vont de 19 ans à 2 ans. Elle leur a annoncé avec des explications simples :

  • qu’est-ce que c’est que la vie
  • pourquoi la vie se termine par la mort
  • qu’est-ce que ça veut dire la mort : que la personne ne pourra pas nous répondre si on va la voir aujourd’hui, qu’elle ne pourra plus venir jouer avec nous, qu’on ne pourra plus aller là où elle habitait (elle vivait seule et en HLM)
  • qu’on peut encore la voir aujourd’hui ou demain
  • qu’après chacun pourrait penser comme il veut, qu’elle n’existe plus ou qu’elle existe ailleurs, chacun pourrait penser à elle même si elle ne sera plus avec nous et ne pourra plus nous répondre.
  • elle n’a expliqué l’enterrement qu’aux plus grands et pense ne pas emmener les plus petits au cimetière pour qu’ils ne soient pas traumatisés quand on va recouvrir leur mamie de terre.

Aucun n’a exprimé de doute ou de crainte sur le fait que ça pourrait arriver à une autre personne proche ou à eux-mêmes, mais peut-être que la question viendra dans les jours suivants.

Bernard

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Je n’en ai pas l’expérience en particulier… Cela dépend sans doute de l’âge des enfants. Je me souviens ne pas avoir été affecté de la même manière à 5 ans (perte d’un grand Père très proche) qu’à 12 ans pour son frère : je réalisais alors davantage ce qu’allait être l’absence et j’en avais été plus affecté. Courage à vous tous ; les mots spontanés venant du cœur seront les plus appropriés.

L’essentiel est peut-être d’expliquer calmement : la mort est une chose triste, mais naturelle.
On s’en protège au maximum, mais l’angoisse ne doit pas s’empêcher de vivre ses passions. Elle doit juste faire réfléchir pour mettre en place les barrières facilement possibles pour limiter les risques.

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Merci pour vos réponses.
Ce n’est pas forcément l’aspect mort qui nous est difficile à accompagner, on a déjà souvent eu des questions pour des proches décédés de maladie ou de vieillesse, et ça je pense qu’il arrive maintenant (7 ans) à l’appréhender, on répond à ses questions, on lui donne les explications biologiques qu’il demande etc.

C’est vraiment plus sur le côté « accident en montagne » et « ça pourrait arriver aussi à mon papa ».
Il va quand même falloir qu’on se lance pour lui en parler. Je pense que le pire serait qu’il l’apprenne par inadvertance sans trop comprendre.

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Merci, le document est vraiment bien fait ! Toujours un rappel utile !

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Vos inquiétudes sont légitimes d’autant que votre tristesse doit être forte. Ceci dit je ne t’apprends rien en disant que les enfants sont souvent surprenants, et que si nous projetons nos propres inquiétudes cela ne leur rend pas forcément service.

J’avais entendu une proposition d’annonce qui listait la liste des choses super chouettes dans la vie (les glaces à la fraise, les câlins, les balades en forêt, les toboggans, les soirées ciné etc etc), et aussi des choses moins chouettes, et que les choses super chouettes continuent à l’être même si on est triste et qu’il faut les savourer, elles ont une fin pour chacun mais pas tout de suite !

Sur le côté accident, je n’ai que l’exemple de mes pitchounes. Le grand de 3 ans et demi appréhende de mieux en mieux le fait que j’ai perdu mon bras en montagne.
Par périodes il a besoin que je le raconte encore et encore : « dis, comment c’était quand j’étais dans ton ventre et que les cailloux sont tombés et que l’hélicoptère est venu nous chercher ? ».
Pour autant, comme je parle la montagne et l’escalade comme des lieux beaux où nous vivons de belles choses, il n’a aucune appréhension à me voir partir grimper ! Je crois que si je les ressentais comme des lieux dangereux ou que je transpirais la peur qu’il s’inquiète ce serait différent.

Faites leur et faites vous confiance, c’est dur de traverser ça mais plus intéressant ensemble.
Encore toutes mes condoléances pour votre ami.

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Je ne sais pas s’il est pertinent de donner la cause du décès (l’accident). Peut-être expliquer que souvent ce sont des personnes âgées qui meurent, mais que ça arrive aussi à des personnes plus jeunes. Mine de rien, ça fait déjà une sacrée nouvelle à digérer, voire assez si tes enfants ne demandent pas plus d’explications.

A mon avis c’est une question évidente, et ne pas le dire montrerait à l’enfant qu’il y a qq chose à cacher;
L’effet risque d’être pire…

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Dans cette situation là, nous n’aurions pas voulu le cacher mais il aurait demandé de toute façon. Je trouve encore plus angoissant pour l’enfant de ne pas savoir la cause.

Nous leur avons annoncé samedi matin. Le grand a été assez touché même si il n’a rien dit d’autre que « d’accord, j’ai compris ». Il est bien entouré en ce moment avec des visites des grand-parents, de copains etc donc il ne doit pas trop ruminer dessus, heureusement. Mais on voit dans les jeux que ça le marque quand même et il a besoin de beaucoup de câlins !

Le petit, lui, n’a absolument pas compris la signification. D’ailleurs c’était assez ubuesque (mais normal vu son âge) sur le moment, il a posé plein de questions du genre « il était comme ça quand il est mort ? » en faisant des acrobaties ou « on peut aller voir le papa de J. et A. mort ? » et du même genre. Mais il est vite passé à autre chose.

Pour nous parents, c’est plus compliqué en fait. J’ai l’impression qu’on ne réalise pas encore complètement…

En tout cas merci pour vos réponses !

Là où c’est délicat c’est que moi j’ai vraiment beaucoup d’appréhension. Mon conjoint grimpe, il a eu un accident qui l’a secoué (il a eu beaucoup de chance) donc il ne va plus dans ce massif vu le rocher très variable (et l’accident mortel renforce son ressenti). Je lui fais entièrement confiance sur ses choix, mais le risque existe toujours (et sera toujours plus élevé que si il allait à la piscine ou grimper en salle…).
Difficile de ne pas transmettre ma peur aux enfants. J’aimerais qu’ils soient conscients mais qu’ils prennent leurs propres décisions. Mais je ne veux pas non plus leur mentir en disant que je n’ai pas peur / que l’on ne risque rien en escalade ou alpinisme…

Puis dans le cas de l’accident là, c’est délicat aussi de rester neutre avec les enfants par rapport à l’accident. Nous sommes tous les deux (et un couple d’amis proches pareil) dans l’incompréhension voir même de la colère face au risque pris. Difficile de ne pas devenir jugeant du coup.

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Dans tous les cas votre ressenti sera palpable par eux alors autant que les mots que vous mettiez soient cohérents.
Je crois qu’il est juste délétère de dire quelque chose en pensant son contraire, mais expliquer de la façon dont tu viens de nous l’expliquer me semble tout à fait entendable y compris pour un jeune enfant.

Récemment, l’ami @BP13 a chuté dans le Verdon, le casque l’aurait probablement sauvé, c’est frustrant et super triste pour nous qui restons mais… ça lui appartient, d’avoir choisi de prendre ce risque.

Tu as bien raison ! La compagne de l’ami savait qu’il mourrait en montagne, leurs deux filles avaient chacune pris un parti : pour l’une d’aimer la montagne et de suivre son père, pour l’autre de la redouter.
Je trouve très saine ta façon d’exprimer tes ressentis et envies pour les mômes, ils choisiront avec toutes ces cartes en main…

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Le risque existe toujours, mais il existe aussi partout. On peut se faire écraser par une voiture que ce soit en allant à la salle d’escalade, à la piscine, ou n’importe où ailleurs. Si on commence à avoir peur du risque de ceci ou cela, on ne fait plus rien et on tombe dans les risques de l’enfermement ou de la sédentarité. Mieux vaut apprendre à être actif, et à s’organiser pour éviter au mieux chaque risque qu’on peut rencontrer.

Bernard

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Certes. Cependant, la peur ne fait pas forcément appel à des éléments rationnels et objectifs mais le plus souvent à des projections et autres imaginaires (ou vécus)…
Ainsi je crois que dire à quelqu’un « il ne sert à rien d’avoir peur », ne changera probablement rien à la peur en question.
Cependant si la personne souhaite travailler sur cette peur, ça se fait…
Pour le vécu, mon compagnon était terrorisé les 1ères fois où je partais grimper après l’accident. ça le dépassait émotionnellement, cette peur de revivre le trauma de la terrifiante annonce « Coucou c’est moi, je rentre au bloc ils vont me couper le bras, mais je suis en vie et bébé aussi, ça va faire ! »
Il a compris que sa peur ne m’empêcherait pas de kiffer la montagne et lui détruirait la vie, alors il a appris à apprécier toute la joie que ces échappées m’apportent… Mais tout le monde ne fait pas ce « choix »…

Ah tiens je viens de me souvenir que j’avais demandé conseil à ma psychologue pour éviter de transmettre notre trauma à Boudchou. Son seul conseil : ce sont des éponges, avancez sur votre deuil / reconstruction ce sera le meilleur moyen de les aider à en avoir le moins d’impact douloureux…

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Certes mais justement pour moi ce n’est pas le même risque. Se faire écraser par une voiture, ou tout autre accident mortel « de la vie quotidienne », on ne peut pas s’en protéger à 100%. On peut aussi tomber la tête la première dans les escaliers et se briser la nuque…
Sur certains sports, le risque d’accident grave sera toujours plus important que le risque au quotidien, c’est indéniable.

Depuis maintenant plusieurs années, je suis engagé comme secouriste volontaire ce qui m’a amené a côtoyer de près des drame familiaux, à essayer de combattre la mort et les injustices d’état de santé ou à accompagner la fin de vie de personnes malades ou blessés.
J’ai été particulièrement marqué par la soudaineté des accidents et par la fragilité de la vie humaine. Il est bien impossible de prévoir ce qui va ou ce qui peut arriver, notamment maladie ou accident.

J’ai gravé en moi que la vie est éphémère, et je pense qu’il est primordial de suivre ses souhaits et inclinaisons malgré la peur qui nous habite et habite nos proches : peur de l’échec, peur du changement, peur de l’engagement, peur de l’accident…
Il faut travailler à trouver un juste milieu entre peur rationnelle (peur du vide, indiquant de devoir être vigilant) des autres peurs moins rationnelles. Je me rassure par la formation active et la connaissance de mes limites. Je rassure mes proches en leur montrant au quotidien mon attache à la sécurité et mon sérieux dans la pratique de l’alpi.

Je préfère prendre des risques mesurés (une course après formation adaptée et étude du topo), sachant qu’il perdurera toujours un risque de chute ou de sérac imparable; que refouler cet appel de l’alpinisme qui me rend si heureux dans son pratique et dans son partage.

En preuve de cela, des guides, en haute-montagne 200J/ans, arrivent à atteindre la retraite de la pratique. Sans maitrise des risques et enjeux, même un risque de 1% a une espérance de 2 occurrences par an à cette fréquence… Je suis convaincu qu’une maitrise efficiente des risques est possible (avec formation et préparation adaptée) afin d’avoir une pratique consciente et sereine de la montagne.

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