Posté en tant qu’invité par Francois:
NDLR :
si vous avez raté un épisode, vous pouvez revenir au début !
Puisqu’on me presse, qu’on me prie, qu’on me supplie…
On creusait, on creusait, on a creusé pendant presque trois heures mais on s’est fabriqué une niche confortable et on n’était, ma foi, pas si mal installé.
La nuit nuitait petit à petit, la neige neigeait toujours à gros bouillon et le vent ventait de plus belle.
Le vent, le grand vent, le vent qui décoiffe, le vent à décorner les chamois, le vent qui gifle et cingle, le vent hululant, qui hurle et déchire, qui tournoie, claque et rudoie. Le vent fou houhouhouh. Le vent venu du fond de l’horizon ainsi que troupeaux de diables en furie. Ce vent de là haut, ce vent dur, ce vent mauvais…
Couverture alu sur le sol, corde sous les fesses, sac dans le dos pour s’isoler de la neige, le bleuet sur une petite banquette entre nous deux et voilà ! le grand confort… enfin, pendant un certain temps. On n’était pas naïf au point d’imaginer qu’on allait passer une nuit, voire même plus, de sybarite.
On savait bien que dans une heure, ou deux, ou trois, on allait commencer à se tortiller sur une fesse, sur l’autre ; on savait bien que les crampes allait nous mener la vie dure ; on savait bien que les actions les plus élémentaires, comme pisser par exemple, donneraient lieu à des complications infinies.
Mais on savait aussi que dans le vrai mauvais temps, si on n’est pas absolument sûr de son coup, le mieux est de faire son trou, de s’asseoir sur son sac et d’attendre que ça passe.
Encore faut-il que les lieux s’y prêtent, évidemment.
« Mais -dirons certains- si vous eussiez été dans une face verticale qui se redresse encore ou dans l’arête elle-même, qu’eussiez vous fait ? comment eussiez-vous procédé ? »
A quoi j’eusse répondu :
« Mon bon ami, j’eusse tiré la chevillette et la bobinette eût chu »
Ou encore :
« Mon bon ami, votre objection est parfaitement recevable. Je vous répondrai donc qu’avec des « mais » des « si » et des « peut-être » on met Dunkerque en flacon et le Mont Blanc sous enveloppe. En conséquence de quoi, je ne sais strictement rien de ce que nous eussions fait si nous eussions été dans un cas de figure différent ».
Et à la bonne tienne, Etienne…
La gamelle pleine de neige, on a allumé le gaz avec une… une ?
Allez, là au fond !.. cherchez aussi, au lieu de discuter… avec une ?
Bon.
On a allumé le gaz avec un briquet.
Emmitouflés dans les doudounes rouges marque « Moncler » modèle « Lionel Terray » super gonflantes, les petits petons bien au chaud dans les chaussures Val d’Or en cuir, modèle « Eiger Darbellay » avec chaussons intérieurs en cuir et feutre, aux mains, les moufles « Makalu » avec sous-gants de soie, on attendait sagement que l’eau chauffe. A cette altitude, c’est long.
Comme creuser, ça creuse et ben on a eu faim.
Alors j’ai dit à Fiacre :
- Sort les bouillons Kub.
Les bouillons Kub de Knorr ou Maggi étaient alors la base de notre alimentation liquide. Le solide étant constitué de Figolu.
Fiacre sortit. - C’est quoi, ça ? que je lui dis.
- Ben, c’est les bouillons Kub…
- Animal ! c’est du court-bouillon ! regarde, c’est écrit dessus… « Maggi, court-bouillon riche en goût, 8 tablettes, 78g, sa saveur particulièrement ronde est idéale pour rehausser le goût des poissons et crustacés ». Quel âne ! en plus, il est périmé depuis 4 ans… où est-ce que tu as trouvé ça ?
- Ben… dans mon placard…………… j’ai du me tromper…
Finalement, ce n’est pas bien grave. C’est plein de gras et de sel, juste ce qu’il nous faut. D’ailleurs, on voit le gras qui nous dévissage de ses petits yeux cruels… Et puis, ça nous rappellera la mer qu’on voit danser le long des golfes clairs.
Comme c’était une gamelle en alu, on a bu tiédasse en se brûlant les lèvres. C’est comme ça, avec les gamelles en alu. Disons que le goût était particulier… mais pas mauvais. Il est vrai qu’il est des circonstances où il serait malvenu de se montrer difficile.
Puis on a remit cuire de la neige pour du thé. Le thé, lui, avait un drôle de goût…
Toute cette industrie nous avait menés tard dans la soirée.
Après, on a somnolé vaguement, puis on s’est enquiquiné à mort.
Dans les livres de bivouacs infernaux, ils chantent toujours pour passer le temps et se réchauffer, paraît-il. Nous, ça nous disait rien de chanter.
On a discuté de la philosophie de la vie, de l’amour et de la mort et on a somnolé de nouveau. Après, on a causé de Molnik le Naphteux, c’est un copain qui a toujours des plans complètement peccamineux. Après, on s’est tortillé pour s’aménager différemment ; finalement, c’était pas mieux, c’était même pire. Alors on s’est remis comme avant.
Ca nous a conduits au matin.