Posté en tant qu’invité par Autes:
Je découvre à l’instant ce fil de discussion et notamment le post de Rozenn, qui date quand même de 2012. Ladite Rozenn a l’air de présenter des symptômes analogues aux miens:
« s’il y a de l’eau ou de la neige au pied de la voie, ça va. S’il y a vue plongeante sur un sol terreux, rocheux, herbeux ou forestier, ça va plus du tout. Petit à petit, j’ai adapté mes activités à l’environnement : de la haute-montagne essentiellement avec une préférence pour la glace et les goulottes, quelques itinéraires quand même rocheux mais avec approche, (donc un cadre visuel) glaciaire. Quasiment plus de grandes-voies ».
Pour ma part, j’ai une aversion profonde pour la GV et la salle: dès que ça devient un peu raide, c’est panique à bord, avec mains qui dégoulinent et jambes tremblantes 50 cm au-dessus de la dégaine… Je me souviens qu’il y a longtemps aux Carroz, à environ 50 m du sol, j’étais tellement paniqué que je m’étais désencordé à un relais (le leader était au relais suivant) pour faire un huit « plus solide ». Sans longe, sans aucune assurance, et surtout sans rien dire à mon leader, à un endroit où j’avais juste la place pour les pieds… Bref, du grand n’importe quoi lié à la peur.
Pourtant, j’ai un assez bon niveau d’alpinisme (D) et je n’ai absolument pas peur de me lancer dans du 4-5 en grosses à 4000 m, sur mes propres coinceurs. Enfin si, j’ai un petit peu peur, mais c’est une peur saine, juste la conscience du danger, que j’apprivoise assez facilement. Finalement, je suis presque à l’opposé de S & S (mai 2014): je me sens très à l’aise sur des arêtes comme Midi-Plan ou la Küffner, que j’aurais presque parcourues sans corde (je dis bien « presque », je suis pas complètement con non plus).
Voilà, et donc, jusqu’à ma rencontre électronique avec Rozenn, je n’avais jamais rencontré quelqu’un ayant les mêmes symptômes. Or, même s’il y a plus grave dans la vie, c’est un problème qui est gênant quand on fait par exemple des stages UCPA, CAF, etc. Parce que ces stages commencent pratiquement toujours par une journée d’escalade en GV. Et comme moi je m’inscris dans des stages d’alpinisme pour niveau AD/D, je me retrouve avec des gens qui sont plutôt pas mauvais en couenne et qui n’ont pas peur du gaz, ou très peu. Du coup, 1) au mieux je passe pour un gland la première journée (pas grave, je me rattrape après), 2) au pire, ça m’est arrivé une fois, je me fais rétrograder dans un stage de niveau inférieur, ce qui gâche un peu mes vacances, 3) dans tous les cas, c’est une journée de terreur pour moi. D’ailleurs, je ne fais pratiquement plus de ces stages :rolleyes:
Je m’explique tout ça par le fait que je suis venu à l’alpinisme à travers les récits d’Herzog, de Whymper, de Mummery, ou même d’Audoubert pour ceux qui le connaissent… J’ai besoin que le sommet suscite en moi une émotion, et cette émotion elle est liée aux livres que j’ai lus dans ma jeunesse, livres où il est question d’altitude, de neige, de glace, etc. Peut-être que si j’avais lu les bouquins des Dolomitards, je serais une bête en escalade? En tout cas, tous ces éléments (altitude, neige, glace…) me surmotivent et me font oublier ma peur.
Autre explication possible: quand on est en haute montagne, la distance jusqu’au dernier point d’impact (si les ancrages lâchent je veux dire) est souvent très grande, il n’est pas rare qu’on ait 500 à 1000 m sous les pieds. Il me semble que le cerveau n’arrive pas à gérer cette dimension, alors que dans une salle ou en GV, les choses gardent leur proportionnalité: on distingue très bien les autres grimpeurs en bas, ou les voitures sur la route, et du coup le cerveau se représente très bien ce que signifierait une chute jusqu’en bas.
Troisième et dernière explication: comme le dit Livanos dans « Au-delà de la verticale », par rapport aux dévers des Dolomites, les grandes faces des Alpes occidentales sont au plus des pentes gentiment inclinées (je rappelle que Livanos était de Marseille). Or moi je ne fais même pas les grandes faces, juste quelques courses en D. Je ne grimpe pas des faces qui me repoussent vers le vide comme la Cima di Ovest. Je suis souvent sur des arêtes, avec certes des passages en 4 ou 5, mais ces passages sont suivis de portions plus faciles.
Pour finir, quelles solutions? Ben comme dit La Baltringue, on peut toujours choisir de ne pas y aller. Il faut juste apprendre à s’accepter, je ne crois pas que grimper du 8c dans les gorges du Verdon rende meilleur ou plus heureux. Moi en tout cas j’ai tiré un trait sur la salle depuis longtemps.
Si malgré tout on a des choses à se prouver et qu’on veut faire de la GV, je vois plusieurs solutions:
- choisir un terrain incliné, coupé par des vires confortables et réconfortantes, comme dit Rozenn (tu es mon idole )
- partir avec un groupe sympa évidemment, des gens qui par exemple vont te chambrer un peu dans les passages difficiles, ça décontracte.
- être le leader de la cordée a tendance à me donner des ailes: je me sens responsable de mon second, je me concentre à fond sur ce que je fais, et du coup j’ai aussi une grande satisfaction à la sortie de la voie. Alors que je me serais fait peur en grimpant les mêmes longueurs en second, parce que j’aurais manqué de concentration et que j’aurais grimpé comme un cochon (d’autres l’ont dit avant moi sur ce fil).
Voilà pour ma contribution, désolé, c’était un peu long (en même temps, je vous ai pas obligé à lire;-)
Bonne montagne à tous