Posté en tant qu’invité par JB:
Merci Waouf…
Je commencais à désesperer !
Et j’adore ta remarque sur les montagnes qui seront toujours là l’année prochaine. On me l’avait faite lorsque j’ai débuté en montagne, et je m’en suis toujours souvenu, en gardant au passage un souvenir ému de la personne qui m’en avait fait cadeau.
Et au cas ou il y aurait un couillon ici pour prendre cela pour de la prudence mal placée, voire de la lacheté, je les renvoie à un autre texte magnifique qui parle du juste milieu qu’il faut trouver, en montagne ou ailleurs, entre témérité et prudence :
"Enthousiasme et Lucidité
Pour fair de l’alpinisme, il faut deux choses: de l’enthousiasme et de la lucidité.
Accepter de porter un sac, de dormir plus ou moins bien dans un refuge, parfois à un bivouac, d’avoir froid puis chaud, peut-être d’avoir faim, sans doute d’avoir soif, partir en sachant que l’on ne pourra pas arrêter le jeu, c’est-à-dire l’ascension, si tout à coup on en a assez, soit que l’on soit fatigué, soit que le temps devienne mauvais, être tributaire d’un compagnon qui peut-être marchera moins bien, – bref, quitter un confort et des habitudes, c’est cela l’enthousiasme. C’est un beau sentiment, surtout à notre époque qui oublie de plus en plus que l’on a des muscles et un tête qui ne demandent qu’à servir, et dont leur belle fatigue nous procure une paix et même une allégresse intérieures. Marcher, grimper n’est pas du tout un sacrifice, mais l’accomplissement d’une action pour laquelle chacun a, à sa naissance, reçu naturellement ce qu’il faut et qui procure un sain plaisir. Et en dehors de l’action, il n’est après tout ni si dur ni si désagréable d’avoir faim ou froid un moment. A une époque où tout est de plus en plus prévu, programmé, organisé, pouvoir se perdre sera bientôt un délice et un luxe exeptionnels.
Tout autant que de l’enthousiasme, il faut de la lucidité, ces deux sentiments apparemment contraires se complètent magnifiquement.
La lucidité c’est apprendre à bien connaître ses limites, tout en cherchant à les reculer, et les accepter, c’est-à-dire avant la course ajuster des désirs d’ascension à sa compétence et à celle des membres de la cordée; pendant la course, être capable à tout moment de faire le point, honnêtement, ce qui est difficile, car il faut alors écarter tout sentiment, tout passion, toute envie de réussir à tout prix pour fair le rapport précis entre les difficultés (éventuellement les dangers) évaluées au plus juste des passages qu’il reste à gravir et les forces (muscles et tête) de la cordée, afin de décider si l’on peut, si l’on doit continuer ou fair demi-tour. Extraodinaire et merveilleux examen dans le secret de son coeur où la prudance risque parfois de n’être qu’un aspect de la lâcheté, et l’entêtement à poursuivre qu’une stupide et dangereuse déformation de la volonté.
Gaston Rébuffat (1921-1985) "