"Above the clouds" d'Anatoli Boukreev

Un livre souvent prenant et une vision de la haute altitude entière, honnête, exclusive, dévorante presque, c’est-à-dire qui remplit toute la vie de son auteur.
Des réflexions informelles intéressantes sur l’acclimatation, l’entraînement, la non-utilisation de l’oxygène, la récupération…toutes expériences acquises au fil des nombreuses ascensions et expéditions sur des montagnes culminant majoritairement au-dessus de 7000 mètres dans le Pamir, l’Himalaya, le Tien Shan…

J’ai eu du mal à le finir et ai retardé cette échéance pour la bonne et simple raison que Boukreev est une personnalité attachante et que je savais que son bouquin, qui est en fait une mise en forme posthume de ses carnets d’altitude par son ex-compagne étasunienne, finirait par la mort de son auteur dans une avalanche au pied de l’Annapurna le jour de Noël 1997.
Avalanche dans laquelle furent également pris Dima Soubelev et Simone Moro. Seul ce dernier, qui a fait parler de lui il y a quelques semaines, s’en sortira.

J’ai pris mon temps pour le lire (une semaine), pour le plaisir d’une part, et puis parce qu’il est en anglais et je n’ai donc pas arrêté de faire des aller-retours dico-bouquin pour tâcher de saisir au mieux les nuances du texte.

Anatoli Boukreev était spécialiste des aller-retours express et solitaires au-dessus de 8000 mètres d’altitude.
Il avait pas mal fait parler de lui -surtout contre sa volonté d’ailleurs- lors de l’hécatombe de mai 1996 sur l’Everest.

thomas

Merci pour ces impressions! :slight_smile:

Salut,

J’ai eu la chance de rencontrer Boukreev quand je faisais du ski de rando au dessus d’Almaty sur le glacier Tuyuksu, c’etait en 94 je crois,on était deux à se repérer à au moins 500m l’un de l’autre et inflechir notre course pour se rencontrer. Assis sur un bloc morainique, on a mangé un bout et papoté… Un gars rare, un ‹ géant du Kazakhstan › timide et clairement amoureux de la montagne. Plus tard on était retourné à Chimbulak et à Almaty il m’avait présenté ses potes qui fabriquaient des vetements en duvet et aussi d’autres qui travaillaient à Tour Asia, mais ça c’est une autre histoire…

Le livre est excellent et à lire absolument, j’ai une version en anglais mais je crois bien qu’on parle du même (ben oui c’est le même, j’avais lu un peu vite). Ecrit après le drame de l’Everest par une amie a lui de Boulder ou d’Albuquerque, il rend bien la grande simplicité et la grande sensibilité du personnage. Très attachant en effet. Domage…

merci pour ce retour. j’ai « the climb » à la maison (pas encore lu) mais je ne connaissais cet autre ouvrage. D’ailleurs pour the climb, quelqu’un sait s’il a été écrit après sa mort ou si lui avait pris le temps juste après les attaques de Krakauer de lui répondre (ce qui me semble difficile)

Posté en tant qu’invité par Anonymous:

hello,

The climb a été écrit après les attaques de Krakauer, comme un réponse pas Anatoli lui même.

Above the clouds est vraiment splendide et montre réellement qui état Anatoli.
Surtout montre un autre visage d’Anatoli que celui très partial de Krakauer dans « into thin air »(classique approche américaine de trouver un coupable et tout lui balancer dessus… le monde étant toujours à séparer entre mal et bien… sans essayer de comprendre les différences de point de vue et en étant certain de détenir la seule vérité…)
Ed vistuer dans « no short cuts to the summit » est aussi beaucoup plus neutre que Krakauer sur le désastre de 96 à l’Everest. Et c’est en lisant son livre que j’ai ensuite lu « above the clouds ».

Je n’ai pas été décu, ca reste pour moi un des meilleurs livredu style avec celui de E. Loretan « Les 8000 rugissants ».

Excuse-moi Anonymous, je n’ai pas bien compris, quelle est la « classique approche américaine »?
Celle de Krakauer, celle de la compagne de Boukreev, ou celle de Ed Viesturs ?

Posté en tant qu’invité par Anonymous:

l’approche classique américaine est celle de Krakauer: trouver un coupable et tout lui mettre dessus. Son récit « into thin air » est fort probablement très partial de ce point de vue là.
D’ailleurs il met « la » faute sur Anatoli, alors que tout ceux qui sont mort, sauf Scott Fisher n’étaient pas de l’expé d’Anatoli… et Anatoli en a sauvé toute une série… et qu’il a suivi les recommandations de son chef d’expé Scott fisher.
Certes le fait qu’Anatoli n’utilisait pas de l’O2 n’était pas le meilleur plan en 96(d’ailleurs qques années plus tard en Guidant à l’Everest un équipe de l’armée Indonésienne (si je me rappelle bien) il utilisait cette fois-ci de l’O2.

Ed vistuers est plus neutre dans son analyse et explique dans son livre « no short cuts to the top » un peu qui est Anatoli (il l’a rencontré plusieurs fois) et cite justement « above the clouds ».

Above the clouds, permet de comprendre qui est Anatoli. The climb explique le point de vue d’Anatoli sur la tragédie à l’Everest et c’est aussi une réponse à Krakauer.

voilà, j’espère que c’est plus clair.

ah d’accord !

C’est curieux que l’approche classique américaine soit utilisée uniquement par un auteur parmi les trois américains qui forment ton échantillon sociologique.

C’est peut-être ça qui m’a confondu: que le mot « classique » ne s’assimile pas ici à « majoritaire ». Mes plates excuses.

Sans doute que tu parlais de « classique » en référence à la période entre le baroque et le romanticisme. Ainsi Krakauer serait un auteur américain avec un style un peu démodé, disons entre 1750 et 1820 aprox. Mais je me demande bien si les Krakauer, avec ce nom de si belle sonorité, étaient déjà américains à cette époque là ?

Hum… ton exégèse littéraire suscite bien de questions…

Peut-être pour les aborder on pourrait aussi faire de la littérature comparée et voir quels sont les points en commun entre Krakauer et d’autres auteurs américains de la période classique.

Mettons par exemple James Fenimore Cooper (1789-1851), dont Victor Hugo et Balzac furent grands admirateurs. Est-ce que son livre « Le Dernier des Mohicans » s’inscrit en ce que tu nommes « le classique américain »? N’ayant eu vent de ce bouquin que par le film du même nom, je n’oserais pas m’aventurer à rendre mon avis; mais sans doute le tiens est plus éclairé ?

Et que dire de Wahington Irving (1783-1859), auteur de « Contes de l’Alhambra » ou la « Légende de Sleepy Hollow », parmi plein d’autres « classiques » ! Il avait intimé avec Mary Shelley (d’une profonde intimité !) et Charles Dickens (bon, un peu moins avec ce dernier, il est vrai), alors s’il se trouve il est aussi un pote à Krakauer !?

Posté en tant qu’invité par Anonymous:

ummmh…

en fait par classique, je voualis dire plus du côté sociologique: opposition entre bien et mal (monde blanc ou noir) ä la GW Bush.
Plutôt que « classique » disons « actuelle » ou « basique »

Perdez pas votre temps et traduisez-nous le bouquin nomdidiou!

Très décevante ta prose Bacchus :frowning: on parle ici de montagne…
Existe il des traductions en français des livres de et sur Anatoly Boukreev?

Bon… dans l’occurrence Anonymous et moi discutions sociologie.

Quand à ta question je crains fort que non. Une recherche par auteur sur Amazon.fr ne rend que les versions anglaises
http://www.amazon.fr/Anatoli-Boukreev/e/B000AP7W42/ref=sr_ntt_srch_lnk_1?qid=1369751686&sr=8-1

Le livre de Krakaouer par contre existe en français. Il parle de Boukreev, bien qu’en mal. ça reste une lecture intéressante quand même, qui a le mérite d’avoir été la première à avoir porté au grand publique la réalité des expés commerciales à l’Everest.

si tu me permets une autre question non montagne, je me demande pourquoi il s’appelle
Into the thin air en anglais
Tragédie à l’Everest en français
Mal de altura en espagnol
La febre del cim en catalan
etc…
:rolleyes:

La mémoire est un grande garce !
La lecture de Thin air est vraiment très loin, mais hormis la grosse impression que m’avait laissée ce livre, il me semblait que le rôle majeur que Boukreev avait joué dans le sauvetage avait été mis fortement en avant … Comme quoi …
Il était monstrueux cet Anatoli, monstrueusement fort, physiquement et mentalement. Et quel regard !!!

Nonobstant (a posteriori) les incohérences ou les iniquités du récit de Krakauer, l’histoire était prenante comme jamais et je garde un éternel regret de ne pas avoir acheté le bouquin Guérin à l’époque (lu mais pas acheté …) !!!

Merci pour avoir mis le livre sur Boukreev en avant : je cours l’acheter !

sans O2 il pouvait difficilement aider qui que ce soit en pleine tempete d’ailleurs

Alors lis-le tout de suite, a fortiori si tu as déjà lu Tragédie à l’Everest.
Tu auras un angle de vue différent de celui de la version de Krakauer.
The climb est paru deux mois avant la mort de Boukreev -donc un peu moins de un an et demi après le drame de mai 1996 à l’Everest- écrit à deux mains avec G.Weston de Walt, qui est un journaliste-écrivain étasunien.
Aucun « réglage de compte » de la part de Boukreev dans ce livre, juste un récit assez haletant, et une énumération chronologique des faits, sans parti pris, à peine la coloration de la conception himalayenne et de l’éthique du kazakhe qui forcément transparaît dans le texte.

J’en profite pour dire que Krakauer ne tire pas à boulets rouges sur Boukreev dans Tragédie à l’Everest, contrairement à ce qu’on lit souvent. Je le trouve surtout timide en remerciements vis-à-vis d’une personne qui a mis sa vie en danger, de nuit, en plein ouragan et sans visibilité, pour sauver trois personnes. Puis qui est remonté presque dans la foulée depuis le col sud (7900 mètres) jusqu’à 8400, toujours seul, dans la tempête et en grande partie de nuit pour une ultime tentative désespérée de sauvetage de Scott Fischer, qui était son employeur dans cette expédition.
Krakauer fait par ailleurs deux-trois réflexions déplacées sur l’attitude et le comportement de Boukreev, réflexions qui deviennent tout de suite caduques quand on a lu The climb ou Above the clouds.
A mon avis bien personnel, sûrement un ressenti teinté de jalousie de la part de Krakauer, et peut-être un problème relationnel durant l’expédition entre les deux hommes…

Tout à fait. Désormais les grosses agences (anglo-saxonnes) imposent l’O2 pour tous (clients, sherpas, guides occidentaux).
Si on ne veut pas d’O2, on est prié d’aller voir ailleurs.

De mémoire, Boukreev explique qu’il n’avait pas utilisé d’oxygène car insuffisamment de bouteilles avaient été montées au camp 4, et qu’il lui avait paru plus judicieux de garder les siennes en réserve pour ses clients. De mémoire aussi, les insinuations de Krakauer à son égard sont tout de même assez lourdes, et il l’avait attaqué plus directement encore dans la presse ou en conférence. Quoi qu’il en soit, Above the Clouds et un bien meilleur livre qu’Into Thin Air !

C’était d’abord pour être en accord avec son éthique (avec l’assentiment de Fischer qui lui aussi grimpait et guidait sans oxygène).

Et puis les réserves d’oxygène de l’expédition de Fischer avaient été largement entamées par un client (Pete Schoening, le héros du K2 en 1953) qui contre toute attente avait dû dormir dès le camp de base sous oxygène, puis par l’accident d’un sherpa (MAM) qui malgré l’emploi de l’oxygène à « usage médical » avait fini par décéder à l’hôpital de Katmandhu après un mois de coma.
Du coup, le jour de l’ascension, il n’y avait plus que le strict minimum pour les clients et éventuellement le secours.
Dans la nuit du 10 au 11, Boukreev a eu un mal fou -et a du coup perdu du temps- pour trouver de l’oxygène pour les « naufragés » du col sud, il me semble même qu’il en a emprunté à d’autres expés.

Sinon, les deux livres sont très captivants, chacun dans son registre.
Celui de Krakauer est plus construit dans le récit et la dramaturgie, plus journaliste quoi.
Celui de Boukreev est un témoignage d’une grande honnêteté, tout aussi bouleversant compte-tenu de l’épilogue de ces deux expéditions parallèles (Scott Fischer et Anatoli Boukreev d’un côté, Rob Hall et Jon Krakauer de l’autre) .

Une citation intéressante (parmi tant d’autres) et en phase avec l’actualité récente de l’Everest, de Boukreev dans Above the clouds:
« I foresee a time when the entire trail to the summit of Everest will be fixed by a team of experienced Sherpas, who will be paid by every expedition that uses the route. This change won’t happen without the protests of those who until now have benefited exorbitantly by the hard work of underpaid men ».
J’entrevois le temps où toute la voie pour le sommet de l’Everest sera équipée en cordes fixes par une équipe de Sherpas expérimentés et qui sera payée par chaque expédition qui empruntera cet itinéraire. Ce changement n’interviendra pas sans les protestations de ceux qui jusqu’à maintenant avaient bénéficié gracieusement d’un travail extrêmement difficile réalisé par des hommes sous-payés.
(écrit en avril 1997 pendant l’expédition indonésienne que Boukreev dirigeait et guidait, et il était bien placé pour parler de cela puisqu’il était justement très souvent en tête à installer les cordes fixes)

Posté en tant qu’invité par invité_bis:

Pas Krakauer qui n’était qu’un journaliste et alpiniste invité, mais Andy Harris.

[quote=« campdedrôles, id: 1519131, post:18, topic:133946 »]Et puis les réserves d’oxygène de l’expédition de Fischer avaient été largement entamées par un client (Pete Schoening, le héros du K2 en 1953) qui contre toute attente avait dû dormir dès le camp de base sous oxygène, puis par l’accident d’un sherpa (MAM) qui malgré l’emploi de l’oxygène à « usage médical » avait fini par décéder à l’hôpital de Katmandhu après un mois de coma.
Du coup, le jour de l’ascension, il n’y avait plus que le strict minimum pour les clients et éventuellement le secours.
(écrit en avril 1997 pendant l’expédition indonésienne que Boukreev dirigeait et guidait, et il était bien placé pour parler de cela puisqu’il était justement très souvent en tête à installer les cordes fixes)[/quote]

Si je me souviens bien du livre de Krakauer:
Cordes fixes manquantes en 1996 ce qui a fait perdre un temps précieux à certains puisqu’un sherpa de Hall n’avait pas posé ses cordes.

Au-delà du problème de l’O2 en 1996, la tragédie au moins pour l’expé de Hall est plutôt dûe:

  • à un non respect des consignes que Rob Hall s’était lui-même fixées:1/2 tour sommet ou pas à 14h. Et à 14h, Hall était loin du sommet et l’a atteint très tard avec son client.
  • et peut-être aussi à la rivalité entre Hall et Fisher qui a fait que Hall a continué de grimper plutôt que faire 1/2 tour et ramené son monde. Son client en était à sa 3eme tentative je crois d’où aussi faire le sommet coute que coute.

Selon Krakauer: il y avait dans ces expé des personnes qui n’avaient plutôt rien à y faire et y étaient parce qu’elles avaient les moyens, d’où peut-être aussi cette tragédie.

Les deux bouquins sont achetés. Reste plus qu’à les lire ! :slight_smile: