Posté en tant qu’invité par Ro:
Nous avons marché dans vos traces, là haut, près des sommets. Elles ne se sont pas effacées malgré les années : elles mènent toujours vers cette brèche suspendue puis vers ce pic que les hommes nomment Aiguille Dibona.
Nous avons entendu, porté par le vent, l’écho de vos éclats de rire et ceux de compagnons de cordée. Il résonne encore au pied des grandes parois de granit.
Nous avons senti le fumet de la soupe que vous aviez partagée dans ce petit refuge du Soreiller. Quelle soirée mémorable ce fut ! Vous souvenez-vous ?
Nous avons touché le même rocher froid et rugueux, empoigné les mêmes prises saillantes. Nous avons douté parfois, comme vous. Nous avons hésité, cherché le meilleur passage avant d’atteindre enfin ce point irréel où toutes les arêtes se rejoignent. Et, comme vous, dans le soleil du matin, nous avons ressenti cet immense bonheur d’être là avec l’autre.
Vous savez, là-haut, rien n’a changé.
Ce sont toujours les mêmes étoiles qui guident nos pas, juste avant l’aube.
Toujours le même froid qui nous mord à la sortie du refuge.
Le même silence qui baigne les moraines oubliées de l’Oisans.
C’est toujours la même amitié qui nous lie à celui qui tient notre vie entre ses mains.
Toujours le même émerveillement lorsque le soleil renaît enfin sous le sommet.
La même émotion lorsque notre regard embrasse mille horizons.
Il y a toujours un livre d’or dans le refuge où des inconnus scellent leurs joies, toujours des vires inaccessibles où s’amusent les jeunes chamois.
Toujours ces plaisirs incomparables que beaucoup ne connaîtront jamais : celui du parfum des pins, celui de l’eau fraîche d’une source, celui du partage d’un morceau de tomme.
Ce que nous avons laissé là-haut est inscrit à jamais dans le roc millénaire comme ce que nous y avons gagné est gravé dans nos cœurs.
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