Posté en tant qu’invité par Thierry AVE:
Un beau jour de septembre 2002 nous sommes avec Laurent au pieds de ‘Délit de fuite’, cette superbe voie du Sapey, la plus longue de la région, mais archi fréquentée.
Sachant cette fréquentation nous démarrons très tôt pour être les premiers. A l’attaque de la voie, une première surprise nous attend : une cordée de lèves tôt (encore plus que nous) nous a devancés. Mais dès la première longueur nous constatons que cela ne sera pas un problème : les deux gars (des suisses) sont efficaces et enchaînent rapidement. A l’usage, cela s’avère plutôt une bonne chose, ils sont sympas et ça fait du monde avec qui discuter au relais.
Au premier relais nous apercevons en bas la procession des cordées qui arrivent au pied de la voie, ils sont au moins 10 cordées, pour eux ça va pas être de la tarte !.
Nous pouvons donc nous laisser à la joie de grimper dans ce lieu magique. Les trois premières longueurs se déroulent dans l’euphorie à l’idée de faire cette voie en toute tranquillité, nos deux cordées loin devant les autres.
« - T’as vu ça Laurent ? on a bien fait de partir tôt, on va être pénard ….
- < SILENCE >
- Meeeerde !!! c’est quoi ce binzzzzz ??? »
Stupeur ! Après la troisième longueur nous apercevons une foule qui se presse au dessus de nous. Ce que nous ignorions c’est qu’entre la troisième et la quatrième longueur il y a une large terrasse herbeuse et caillouteuse qui peut se rejoindre aisément à partir du bas. Pendant que nous grimpions, les autres marchaient tout simplement sur le sentier. C’est ainsi qu’une foule de zozos a tout simplement shunté les premières longueurs et que nous nous retrouvons derrière une procession de pèlerins….
Nous, naïfs, nous avions étudié comment gravir la voie, pas comment tricher sur l’itinéraire ….
Parmi cette foule bigarrée émerge une forte personnalité: torse nu pour exhiber sa musculature (alors que le fond de l’air est plus que frais et que nous supportons tous les tee-shirt à manches longues), les cheveux au vent façon ‹ Rahan fils des âges farouches › (*), et les lunettes de soleil dernière mode vissées sur le blaze. Ca doit être pour une pub…. Oui, ça doit être ça ….
Notre ami Rahan a emmené sa copine faire une grande voie. Bonne idée. Sauf que la copine en question est débutante et morte de trouille de se retrouver dans une voie aussi longue. Un bref échange avec elle au relais nous permettra d’apprendre qu’elle ne souhaitait pas particulièrement être ici, mais cela faisait tellement plaisir à Rahan…. Ah , l’amôôôôôôr !!!
(Je dis évidement cela parce que je suis jaloux, car ma douce à moi déclare généralement forfait pour les marches d’approche de plus d’une heure, ce qui est rédhibitoire pour le Sapey. )
Une des particularités de cette voie est d’être parsemée de petites terrasses caillouteuses. Un grimpeur habitué au terrain montagne et aux marches sur piles d’assiettes évolue généralement sans lapider tout le monde sur ce type de terrain, mais pour un débutant c’est une autre affaire.
Dès la quatrième longueur la guerre est déclarée. Suite au passage de la copine de Rahan, un premier tir de semonce arrose largement la paroi de petits projectiles. En tête en pleine dalle j’entends les crépitements autour de moi et sur mon casque. Pas question d’abandonner l’assaut :
« A moi la légion !!! »
Devant notre détermination, l’ennemi passe à l’artillerie lourde et sort la Grosse Berta. Un parpaing de plusieurs kilos explose à côté de Laurent. Cette fois, le moral des troupes est atteint et nous nous rendons.
Drapeau blanc sorti, nous envoyons un diplomate (un des deux suisses) négocier les conditions de notre capitulation avec l’ennemi. Ce dernier revient au bout de quelques minutes nous nous informer du traité conclu : nous acceptons de leur laisser l’Alsace et la Lorraine en échange d’un armistice.
Arrivé au sommet, nous nous accordons une petite pause et nous enfilons les baskets pour attaquez la descente par le sentier, pendant que toutes les autres cordées choisissent les rappels dans la voie. 10 cordées qui montent et 10 autres qui descendent l’ambiance est chaude, version Cote d’Azur au mois d’août. A chaque relais c’est le rocher du zoo de Vincennes, vachés à huit sur le même spit, avec les petits singes qui se montent les uns sur les autres.
Rahan emmêle méthodiquement sa corde avec celles des autres cordées et engueule sa douce qui ne descend pas assez vite.
« - T’as vu ça Laurent ? on est bien sur le sentier, hein ?
- Ben au moins dans la descente on sera peinards
- attends que les bouquetins nous jettent des pierres, y’en a des vicieux i’parrait … »
(*) Pour les plus jeunes, Rahan était un personnage de BD des années 70, sorte de Tarzan de la préhistoire.
[%sig%]