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Bon c’est que mon avis et j’en fais pas une maladie mais quand même, n’exagérons pas. Quand j’ai fait Serpent d’Etoiles, je faisais du 6a et très très exceptionnellement du 6a+ et je n’avais jamais fait alors de 6b. C’est vrai que j’avais dit que c’était un 6a pas facile mais bon de là à rajouter une lettre et demie … De manière générale je vois une inflation dans les cotations sur ces vieilles voies que je trouve étonnante, ce qui est d’ailleurs très bon pour le moral: plus je vieillis plus je suis mauvais mais, MAIS, mon niveau max atteint dans ma chienne de vie augmente ! cool …
Et oui, une lettre et demie, aussi étonnant que ça puisse être, à un moment donné faut être réaliste.
Peut-être il y a eu des prises cassées, j’en sais rien. Les autres répétiteurs, après leurs passages, pourront, s’ils jugent nécessaire, modifier les cotations. Là, ça m’as paru flagrant.
En tout cas, mes félicitations pour ta progression sans effort 
Oui je suis d’accord il faut être réaliste. Ma pensée c’est simplement que je crois qu’il y a eu un glissement, assez récent, des cotations dans les vieilles voies techniques sur petites prises. Je crois (je peux me tromper) que les grimpeurs actuels sont plus fort que nous (les vieux ) dans les voies athlétiques où ils ont une bonne expérience et sont moins à l’aise dans les voies techniques d’avant parce qu’ils en font moins. Un autre exemple dans le même coin mais en plus dur que Serpent d’étoiles: Moby dick a, je pense, été un des premiers 7a où je me suis lancé. Passé, et à l’époque je rigolais, disant avec sincérité que c’était certainement un 7a facile. Et plus simple que les Mille et une peur ou le Poids du ciel, côtées toutes deux (à l’époque) 6c+. Par contre je n’avais pas -si mes souvenirs sont bons- enchaîné le 6b+ de la longueur précédente. Et il y a peu j’ai vu sur c2c qu’on annonçait le 7a comme un 7a+ et quelqu’un a même parlé de 7b… A l’époque où j’ai découvert le granit chamoniard j’ai trouvé que ça cotait hyper dur, mais après m’y être habitué quand je regrimpais des fissures dans les calanques ou à Bartagne je me promenais. J’avais pris l’habitude d’un autre type de grimpe. Dans un autre genre j’ai toujours trouvé que les voies en 6a 6b de Buoux étaient des horreurs. Est-ce sous côté ou moi qui suis mauvais dans ce style ? Et donc la question est: c’est quoi être réaliste ? Avec l’explosion des voies en dévers et des salles, il est certain que côté physique la donne a changé. Pour les voies récentes je trouve que les cotations en dalle sont souvent larges, par contre en dévers j’appelle ma mère et je trouve jamais ça surcoté. J’entends souvent des gens qui disent des trucs comme « ça c’est 7a, mais des années 80 donc c’est plus dur que 7a », ça m’interroge.
Un poil d’histoire concernant cette voie et son rééquipement. En 1958, Le Grec, Sonia et Yves Besson parcourent une ligne de fissures qui coupe la Bonne Mère. De l’avis même du Grec, c’est une voie « à la con », sans grand intérêt, d’où le nom : la voie Con, une outrance qui conduira Alexis Lucchesi à ne garder pendant longtemps que la première lettre du nom : la voie C.
Quelques décennies plus tard, en 83, une bande de joyeux étudiants en STAPS encouragés par leur prof de l’époque, Michel Bonnon, décide d’équiper quelque chose dans cette vaste zone qui attire les regards et a déjà motivé de forts grimpeurs de l’époque.
Il y a déjà eu Statu Quo en 78 par Tchouky et Petit Robert, Bonjour l’Ambiance en 82 par Gillou Bernard et Jean Davy, Diva par Yves Martine et David Williamson toujours en 82, l’Homme aux semelles de vent par les Bergasse et Hervé Gaudin en 83, Sécurité-Liberté par le tandem Pascal Pérez et Thierry Saviozzy toujours en 83. Tout ce petit monde, qui n’est pas encore vraiment sorti des bancs de la faculté et qui n’a pas encore atteint la trentaine, regorge d’idées pour essayer de créer de nouveaux itinéraires. Le dur de l’époque, ce sont les grands murs blancs à petites prises, les dalles ultra techniques où la précision des placements de pieds, la finesse des équilibres et la force dans les doigts sont la clé de la réussite.
Nos gaillards de STAPS ne sont pas plus aveugles ni plus mauvais que les autres, eux aussi ont envie de tenter quelque chose dans ce coin où il reste encore un peu de place. Il y a un joli petit toit en bas, une belle fissure-dièdre au-dessus suivie d’une série de murs compacts. Peu importe qu’il y ait déjà dans ce coin une vieille voie d’artif au nom bizarre, la voie « C ». L’artif, ça n’intéresse pratiquement plus personne, à cette époque où l’on préfère grimper en collant lycra dans les murs de Buoux ou de Mouriès. Notre équipe entreprend donc d’investir la falaise : du monde en bas pour équiper le petit toit de L1, du monde au-dessus pour pitonner la fissure et dénicher un cheminement dans les bombements qui suivent. A la fin de la journée, la voie n’est pas complètement finie mais on a déjà trouvé le nom : Sérénade pour une souris défunte, il manque encore quelques points, le petit toit est beaucoup plus dur que prévu, bref, il faudra revenir… Il faudra…
Mais la vie estudiantine réserve parfois des imprévus… les exams à bosser… les soirées STAPS… les copines… le temps qui passe et estompe le souvenir de cette voie qu’il faudra finir… qu’il faudrait finir… qu’il aurait fallu finir… et puis… la fin des études arrive, ça passe vite quatre ans, l’entrée dans la vie active… les premiers vrais boulots, pour les STAPS généralement, un premier poste de prof dans les terres septentrionales françaises au fin fond des DOS (départements d’outre sud).
83… 93… 2003… 2013… 2023… Quarante ans… ça passe vite, finalement, quarante ans. La voie existe toujours bien sûr,mais seulement dans les topos. Un point arraché et plus personne ne se hasarde à essayer la première longueur dont l’équipement, trop brouillon et léger, ne permet pas d’envisager d’atteindre le relais. Personne ne s’aventure non plus dans la deuxième longueur aux pitons mangés par la rouille.
C’est finalement l’inscription au plan de rééquipement du CT13FFME qui permettra de finir cette voie qui était en suspens depuis 40 ans. Les propriétaires du site étaient d’accord, le Parc était d’accord, le comité scientifique était d’accord, les ornithologues étaient d’accord, les joyeux drilles de l’équipe STAPS auraient certainement été d’accord… s’ils avaient continué à grimper !
Et la voie Con ? On peut, certes, regretter le pitonnage de sa deuxième longueur en 83 et son rééquipement en 2023. Pour se consoler, il reste tout de même une bonne moitié de la voie, la plus aérienne, la très belle fissure surplombante de L3 qui part de la Bonne Mère pour rejoindre la fin de l’Arête de la Cordée. Une répétition en 87 et probablement rien d’autre depuis. Nul doute que son profil attirera très prochainement les adeptes du TA pour y faire quelques belles photos. 