Certes, j’ai quelques années de judiciaire, notamment en préjudice corporel, mais j’ai fait pas mal d’accidents de la route, accidents de travail, et responsabilité médicale. Mais disons que, joint à une activité montagne et escalade, ça donne quelques clés pour comprendre les débats dans les affaires qu’on évoque. Et je me suis un peu documentée.
Bénédicte Cazanave est une ancienne magistrate. Je pense qu’elle maîtrise son sujet. Elle m’avait proposé, il y a 4 ans, de participer à une refonte de l’UFCA sur ces thèmes. J’avais contacté la personne qui en était alors responsable, dont elle m’avait donné les coordonnées, et… j’ai vite compris que mon intervention n’était pas vraiment souhaitée… Bref. Je ne sais pas quel est le background des auteurs de l’UFCA, mais il est évident qu’un petit approfondissement ne ferait pas de mal, avec pour commencer, une présentation de la façon dont se passe un procès, suite à un accident, en essayant de montrer quelle est la logique du juge (civil et pénal), la façon dont les circonstances sont appréciées et par conséquent, la façon dont, dans la conduite des activités, on peut se prémunir en amont contre le risque de voir sa responsabilité engagée.
J’avais lu le très bon bouquin de Jacques Dallest et Erik Decamp, « Le Guide et le Procureur ». Très bien, de ce point de vue.
Il y a un manque criant de culture juridique et montagnarde dans les médias généralistes. La France, en outre, a un traitement de l’information montagne complètement aberrant car totalement axé sur la catastrophe, « le risque », le « drame », « ces inconscients qui… ». C’est une ligne journalistique qui ne cherche absolument pas à éduquer, mais qui joue seulement sur l’affectif et le catastrophisme pour faire monter l’audimat et les ventes. Quand on se branche sur la RTS, on a un ton tout différent !
Au pénal, le secret de l’instruction empêche l’accès au détail du dossier en cours de procédure et comme ce ne sont pas des affaires qui mobilisent l’opinion, les journalistes ne font guère pression pour obtenir des infos. Les parties au procès n’ont pas nécessairement envie de rendre publiques certaines informations. Pour les professionnels, les Fédérations, il y a la crainte de voir sa réputation auprès du public en souffrir et pour les victimes, c’est souvent trop douloureux (la procédure est déjà pénible pour elles).
Pour la FFCAM, je crois que c’est aussi un mix entre la crainte de décourager les bonnes volontés en matière d’encadrement (ce qui, au regard de la faible judiciarisation, ne se justifie pas) et la crainte de trop communiquer sur l’accidentologie au risque d’effrayer les adhérents.
Je pense qu’effectivement, ils gagneraient à prendre une optique « conseil », comme l’aurait fait un avocat conseillant son client ou un juriste d’entreprise dont le but est de permettre à l’entreprise de travailler efficacement tout en évitant les procès. Quand un jugement est rendu, cela justifierait une analyse des faits, des comportements des protagonistes de sorte à dégager le comportement qu’il aurait fallu adopter. C’est ce dernier qui permet, en définitive, d’éviter d’autres procès. Dans un dossier, il y a toujours un faisceau d’éléments, une donnée, un fait qui va constituer un point de bascule : l’identifier, c’est important pour ne pas répéter l’erreur.
Lis le bouquin de Dallest. Il permet déjà de prendre un peu de recul sur ce qui peut être reproché à un encadrant et sur ce qui dépend du risque objectif lié à l’activité, dont le juge s’efforce de tenir compte, du moins pour les tribunaux situés en montagne. Je pense qu’à Bonneville ou à Grenoble, on a une perception plus fine de ces choses qu’à Toulouse ou Aix-en-Provence, pour ne citer que ces juridictions là.