Vos idées pour la transition en montagne

N’hésitez pas à participer à la consultation initiée par Montain Wilderness

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Je rebondis sur cette question de la protection de la montagne car mon message correspond au titre de ce fil.

Je préviens, ça va être long à lire même si je ne détaille pas toutes les données, et je vais être plus général en parlant de protection de la nature, pas seulement des montagnes.

J’ai posté sur la consultation Mountain Willderness l’idée suivante:

« Chaque pays devrait réserver 10% de sa surface à la nature, à savoir une réserve totalement dépourvue d’humains, aussi bien humain lambda que scientifique. »

Pourquoi cette proposition? Pourquoi aucun humain? Pourquoi 10%? Quelles sont les idées derrière?

C’est en agglomérant plusieurs données actuelles que cette proposition s’est construite.

Existe-t-il des espaces privés d’humains? Peu, très peu, mais prenons la zone d’exclusion de Tchernobyl pour commencer. En 30 ans les espèces animales y ont proliféré au delà des prévisions. On sait aussi que les espaces abandonnés par l’homme sont finalement vite recolonisés par la nature (nous en avons des exemples dans certains villages abandonnés et dans les zones de recul agricole). C’est une vraie bonne nouvelle, et tout cela en quelques dizaines d’années.

Redonner de l’espace à la nature en la vidant de nous est la meilleure chose à faire. Et réserver 10% de la planète à cet abandon n’est pas un gros objectif. C’est plutôt un premier pas. Le débat n’est pas ici de savoir comment assurer le respect de ces zones mais déjà de les mettre en place.

Parlons également du Brésil, exemple si emblématique et ressassé ad nauseam. On y pointe la déforestation pendant que dans le même temps en France on artificialise soixante mille hectares chaque année (et 12 milliards d’hectares par an au niveau mondial). L’artificialisation c’est l’altération durable du fonctionnement écologique, principalement du à l’urbanisation. La déforestation au Brésil (12 milliards d’hectares annuels) qui transforme de la forêt en cultures agricoles compense en fait l’artificialisation mondiale si bien que la surface agricole mondiale ne change pas depuis des années. Ce que défriche le Brésil est égal à ce que le reste de la planète artificialise en convertissant des terres cultivées en espaces urbanisés. N’est-ce pas une décharge de responsabilité que de les pointer du doigt en permanence ? Surtout quand ces déforestations sont destinées à des cultures importées par le reste du monde. Certes ce serait mieux sans destruction en Amazonie, mais si on veut toujours autant consommer de ressources agricoles chez nous alors qu’on diminue nos surfaces cultivées, il faut bien que nos fournisseurs, ailleurs, gagnent du terrain sur les forêts. Ou alors qu’ils fassent comme nous, qu’ils augmentent les rendements à grands coups d’intrants et de biocides. Si nous montrions plutôt l’exemple en protégeant 10% de notre propre territoire avant de vouloir protéger celui des autres ? Nous en serions plus crédibles et redonner à la nature une partie de ce qu’on a pris au fil des siècles ne me semble pas une exigence démesurée. En Europe il y a 10000 ans, 80% du territoire était couvert de forêt contre environ 40% aujourd’hui. Avant de faire passer les déforesteurs pour des vilains on pourrait déjà montrer l’exemple en remontant notre taux d’enforestement (L’Europe n’est pas mauvaise élève à ce niveau puisque ce taux y augmente depuis quelques décennies). Ce « rendre à la nature » aurait un impact sur le réchauffement climatique. On sait aujourd’hui que le petit age glaciaire a été en partie causé par le massacre des indiens d’Amérique. En perdant plusieurs dizaines de millions d’habitants ce serait plusieurs millions d’hectares de terres cultivées qui se seraient enforestés, engendrant une baisse du taux de CO2 (7 à 10 ppm d’après les carottages) suffisamment importante pour que la température moyenne du globe chute. Là encore en quelques décennies c’est possible avec quelques dizaines de millions d’hectares de forêt supplémentaires. À l’échelle mondiale, si les occidentaux s’y mettent, ce n’est pas un effort énorme.

Au delà de l’impact sur le réchauffement, la constitution de zones vides d’humains serait un véritable appel d’air pour la biodiversité. Ces zones sont quasi inexistantes, hormis dans des points déjà pauvres en diversité comme les déserts froids et chauds, ou dans les secteurs inaccessibles comme certaines zones maritimes. Il serait salutaire de « relocaliser » ces zones en les ciblant sur des étendues propices à la vie, et il y en a énormément dans les pays occidentaux. Des réserves non visitées, sans gestion forestière ou faunistique. On croit encore que l’humain doit intervenir sans cesse, sinon la forêt dépérit, la faune n’est pas contrôlée, c’est le discours dominant. Les forestiers « protègent » la forêt, les chasseurs « contrôlent » la faune sauvage. Quelques expériences, notamment en Allemagne, ont montré que la forêt se débrouille très bien seule, y compris devant des ravageurs comme le scolyte. Il suffit d’arrêter de la voir comme un potentiel a exploiter et il n’est plus nécessaire de la protéger (contre qui et quoi d’ailleurs?). Derrière ce mot qui semble sous-entendre « protéger la nature » il faut souvent entendre « protéger les intérêts économiques ». On redécouvrirait, incrédules pour certains, que ces zones ont fonctionné parfaitement pendant des milliers d’années, avant que l’humain ne gère les « choses » à son seul profit. D’où également le concept de zéro humain, fusse-t-il scientifique, toujours tenté de mettre son grain de sel sous les meilleurs intentions mais qui par son unique présence perturbe déjà.

Pour terminer, cette question devient brûlante quand on la ramène à un niveau très local, chez soi, dans son « jardin ». Ce qui explique qu’il est plus facile de pointer du doigt les vilains qui ont de surcroît de vilains régimes politiques. Que chacun fasse l’expérience de pensée. Du plus facile : « Est-ce que je suis prêt à respecter une interdiction totale de parcourir la montagne dans ce secteur si beau, si vaste, que je connais si bien ? Moi le latin qui aime resquiller. Moi le montagnard qui brandit la liberté pour ne pas respecter les interdictions.» Au plus difficile : « Et si cette zone d’exclusion tombe sur ma maison, les belles prairies qu’exploite mon voisin agriculteur bio qui fait de si beaux légumes, suis-je prêt à redonner ma maison, le lieu de mes racines familiales, cet endroit que j’ai mis tant d’énergie à acquérir ou entretenir ? » Car il faudra bien que ça « tombe » quelque part, sur quelqu’un, et qu’on arrête cette fois de viser des zones déjà vides d’économie, d’emploi. Avec ces questions en tête on comprend que 10 % du territoire c’est déjà une belle ambition. Car déjà la plus « facile » des questions personnelles précédentes me semble un sacré effort. La dernière donnée qui m’a interpellé, ceux qui connaissent la Chartreuse s’en souviendront, me semble assez révélatrice. Il y a quelques temps un privé a voulu interdire l’accès à une zone de montagne pour surfréquentation à son goût. Je ne m’étendrai pas sur le concept de propriété privée sous-jacente et surtout de son acception différente suivant qu’elle nous profite ou nous exclut. Mais ce qui m’a marqué c’est le soulèvement des « amoureux de la montagne » qui ont été vent debout devant cette zone d’exclusion partielle (le propriétaire se réservant le droit d’y accueillir des humains, mais c’était des chasseurs, donc des « autres », pas « amoureux de la nature », « accapareurs »). J’y voyais pour ma part un test grandeur nature d’une zone d’exclusion et était curieux de voir ce que ça donnerait même si c’était une exclusion partielle, même si c’était une zone très petite. J’étais surtout curieux de voir comment la communauté montagnarde allait réagir. Ce fut violent.

Alors si maintenant ces zones étaient expliquées avant d’être imposées, par un collectif citoyen dont les intérêts personnels seraient gommés ? Cela serait-il envisageable ?

Si la réponse est non, arrêtons tout de suite de nous lamenter sur la perte de biodiversité, le changement climatique et la pollution. Car l’effort sera nécessairement collectif et non délocalisé au Brésil. Pourquoi trouver normal l’abattage de centaines de platanes chez nous parce qu’il faut bien agrandir la route comme sur la N7 au Sud de Nevers ? Pourquoi skier cette zone pourtant indiquée « zone de protection du tétras-lyre », comme au Vénétier ou dans les Vallon du Pra en Belledonne en se trouvant une bonne raison de ne pas respecter?

Alors pour s’essayer plus loin que ces quelques contradictions, que les Isérois ou Savoyards imaginent un massif de Chartreuse vidée de tout humain (et pas juste sur les « hauts »), ou un massif du Vercors, ou un massif de Belledonne suivant vos cas personnel, il faudra bien en choisir un, de préférence votre jardin. Pour les autres trouvez des exemples marquants. Oui c’est beau en Amazonie, en Sibérie, en Colombie Britannique, bref chez les autres et les peu nombreux, mais enfin, ce ne serait pas plutôt aux plus nombreux et chez nous que l’effort serait le plus bénéfique ? Si vous pensez cela impossible, relisez le premier paragraphe avec Tchernobyl et souvenez-vous de ce que vous ressentiez alors comme possibles. Pouvons-nous céder 10 % des meilleures parties de la planète à toutes les autres formes de vie ? N’est-ce pas déjà suffisant de s’en accaparer 90 %?

Il n’y aura pas de réalisation collective sans un véritable engagement personnel, nous ne pouvons pas nous en remettons aux papas « politiciens ».

Faire de sa vie qu’elle soit plus gratifiante et corresponde davantage à nos besoins humains, de sorte que nous n’aurions pas ce besoin irrépressible d’aller chercher notre quart d’heure d’aventure, d’autonomie ou d’engagement et d’échapper ainsi à un quotidien oppressant, étriqué, formaté presque entièrement dévolu à courir après de la croissance (pour la vanité de quelques-autres) .
Voilà, voilà… :coffee:

Personne n’est vraiment inquiet sur la capacité du vivant à s’adapter à la transition en cours.
Je suis plus inquiet sur notre capacité à modifier durablement nos comportements.

Pour changer les comportements, plutôt que des interdictions, il me semble qu’il faut proposer de nouveaux imaginaires.

Mes propositions portent sur la découverte et le respect de notre environnement.
Plutôt que d’interdire, éduquons, cohabitons, réapprenons à nous émerveiller …

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Le problème est que pour 1 personne qui s’éduque avec plaisir et compréhension, tu en as 9 autres qui n’ont pas du tout envie de ça, donc ils continuent à amener leurs chiens, leurs drones, à laisser les enfants piétiner la végétation et jeter des cailloux…

Bernard

Les pertes de la biodiversité est du à l’expansion de l’industrie, et surtout l’agriculture (je compte aussi l’industrie de bois dedans) et pas aux quelques gens qui vont se promener en montage.

Je pense d’ailleurs qui bien plus de 10% de la surface de la terre voit très peu d’êtres humains, notamment en Russie, Asie Centrale, au Canada, en Amérique du Sud et en Afrique. Il resent des énormes tractes de nature sauvage, ça manque juste un peu en Europe. Je vois donc peu d’intérêt d’imposer une mesure punitive et peu efficace, qui sera mal vue par la quasi-totalité des gens, sans parler du flicage énorme qui serait nécessaire pour faire respecter cette mésure.

Quand à la partie de la Chartreuse interdit par le Marquis du Machin, il ne faut vraiment pas étonner la de réaction des randonneurs locaux, car ça relève de la privatisation de l’espace naturel par quelqu’un qui s’en fout complètement de l’écologie, et en prime, par quelqu’un dont ses ancêtres aurait du être exproprié de ce terrain du fait de leur collaboration avec les fachos pendant la guerre. J’ai l’impression que la Réserve Intégral du Lauvitel, par exemple, fait beaucoup moins de polémique.

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Pour réduire la frequentation de certains lieux sensibles, ça peut être interessant de rendre l’accès un poil plus dur, en coupant une route plus bas, par exemple, au lieu d’interdire, avec tout le flicage que ça entraine.

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Justement, je n’utiliserais pas ces termes de décrire ma vie quotidienne (chui chanceux, j’ai l’occasion de faire les maths qui me plaisent, avec une autonomie conséquente), mais je ressens tout de même fortement l’envie de pratiquer la montagne. Donc même si ça serait très bien d’avancer sur ces points, je pense pas que ça entrainerai un baisse de frequentation de la montagne.

Je pense également aux remontées mécanique réemployées en été : elles ne devraient pas servir à rendre accessible à de trop nombreuses personnes (pratiques) les espaces qui demeurent sensibles surtout à des périodes favorables à la vie mais sur de courtes périodes (estivale essentiellement) . La force des mollets ne saurait nuire et favoriserait la découverte ! :wink:

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Oui c’est sur, et moi je n’ai jamais pris une benne en été, et en général je préfère aller faire la montagne là où il n’en à pas. Mais le contre-argument c’est que les bennes concentrent la frequentation sur certains secteurs, au bénéfice d’autres.

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pourquoi pas, cependant les usagers des bennes feraient-ils l’effort d’aller découvrir d’autres secteurs à pied ?

Les grimpeurs, si, je pense, y’a quand-même des secteurs facile d’accès, ceux qui prennent la benne juste pour profiter de la vue peut-être pas, mais de tout façon ils ne s’éloignent que peu de l’arrivé des remontées.

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