(Digression) Effet des reseaux sociaux sur la pratique de la montagne

Pourquoi ? C’est plutôt cool que les « jeunes » s’intéressent de manière saine à la montagne. Y passer la nuit, c’est une très belle introduction je trouve.

Ce qui est plus gênant, et je l’ai noté de manière très caractéristique, c’est le manque d’éducation.

Pour refaire l’historique, quand j’étais gosse (années 90) la montagne était une vraie poubelle, avec mes parents c’était une tradition de ramasser les déchets des autres, et on en ramassait beaucoup. Ça s’est vraiment amélioré avec les années, et arrivés dans les années 2010 et jusqu’en 2020, je trouve qu’on s’est rapproché d’un quasi perfect, avec très peu de déchets et d’incivilités. Mon coin de référence c’est le chablais, proche de la frontière. Vous me voyez venir. Le COVID a tout changé. Plus de fréquentation, pas de soucis, la montagne est pour tous. Mais retour d’incivilités assez graves. Portes/fenêtres de chalets/granges de montagne fracturés, planches arrachées pour faire du feu… au milieu du chalet, bref des choses qu’on n’avait jamais vu avant. Et pas seulement des cas isolés.

Tout ça pour dire que ça serait pas mal d’apporter une forme d’éducation à cette nouvelle population. Aucune idée comment. Enfin si, via leurs réseaux sociaux ça serait top.

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j’en doute…

Oui. Déjà, on lit partout que le nombre de tentes, pour bivouaquer, se multiplie.
Or, à mes débuts (1990), on dormait sur un karrimat (disons un matelas autogonflant aujourd’hui), avec un duvet (grand luxe !) et (autre luxe) un sursac… mais en été, emporter une tente pour bivouaquer une ou deux nuits en montagne semblait vraiment superflu quand la météo était bonne. On avait, par exemple, passé une nuit dans l’abri rocheux, au sommet du Buet, avec de simples couvertures de survie. On grelotte un peu, on se réveille souvent, on finit par regarder, au loin, la petite lumière du refuge d’Argentière qui s’allume au matin. Là, on hume le petit vent frais dans la nuit, on regarde les étoiles et on se dit qu’on est les rois du pétrole ! Et quand le soleil arrive, finalement, on se dit qu’on a bien résisté à l’affaire, même sans duvet et par définition, sans tente.

Et on évitait, autant que possible, de se poser n’importe où sur la pelouse alpine. Quand il y avait des emplacements de bivouac matérialisés par des murets en pierres sèches, on comprenait que c’était un endroit où s’installer pour dormir (pas pour faire ses besoins). Et naturellement, le lendemain matin, on ne laissait aucune trace de passage, même pas de PQ ! On l’apprenait dans les clubs, dans les revues.

Les médias grand public, les parcs nationaux, pourraient déjà en parler et promouvoir davantage le bivouac léger et propre. Comme les influenceurs puisent leur inspiration sur le net, ils finiraient par relayer sur les réseaux sociaux.

Il n’en demeure pas moins que la massification du bivouac, même si tout le monde redescend ses déchets et son matos, peut créer des problèmes d’environnement : quid des déjections de tout ce monde, au même endroit ?

Une anecdote : j’étais au refuge de l’Etendard, début juillet. Au milieu de l’après-midi, a déboulé un groupe de 70 traileurs d’une université parisienne connue. Il y a eu un quiproquo sur le nombre de réservations, l’encadrant indiquant qu’il y aurait 18 personnes en demi-pension au refuge et que les 52 autres (une paille) planteraient leurs tentes autour du refuge pour la nuit. La gardienne leur a rétorqué : « Et vos copains, ils vont faire leurs besoins tout autour du refuge ou ils vont venir utiliser les toilettes, comme ça ? »

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Alors alors, voilà un sujet qui est intéressant et que je suis de près. Cependant il me paraît important de le replacer dans un certain contexte et éviter les avis binaires, ce qui malheureusement est la norme dans les commentaires, peu importe le site / réseaux sociaux… Je vais essayer de développer mon avis le plus clairement possible en espérant être lu sans raccourci (et peut être en ferais je par facilité de raisonnement, après tout, chacun à ces défauts et qualités).

Il y a déjà le phénomène de mettre à connaissance les spots de bivouac et les sentiers de randonnée qui a une importance majeure. Il me semble que les réseaux sociaux ont une part non négligeable la dedans, en particulier instagram. Je n’ai pas de réseaux mais il m’a été donné de voir des publications « d’influenceurs » vantant des spots et des lieux proches de grandes villes (Lyon pour ma part), de façon abusive… parfois pour des secteurs avec peu de risques (Dent de Crolles, Lac du Crozet), mais d’autre sans aucune prévention et dont l’engagement est certain : Le Néron (!), le pic de la Belle Etoile, le col des 2 Soeurs… et là, on se retrouve avec les accidents.

Il faut ajouter à cette culture de l’image et de la beauté du paysage absolument recherchée par la jeunesse (et pas que) citadine, un autre élément. La littérature de randonnée / bivouac qui s’est developpée et vulgarisée ces dernières années. Il suffit d’aller faire un tour chez Vieux Campeur : entre livre de bivouac facile pour tous, livre de « déconnexion et retour aux sources », topos de randonnées vus et revus,ouvrage pour aller chercher les lacs et les cascades de fraicheurs… L’accumulation de spots cités dans ces livres (Lacs de Belledonne, cascades, Hauts Plateaux du Vercors, refuge gardés ET non gardés), couplées à la démocratisation des pratiques amènent FORCEMENT, la connaissance à un plus grand nombre de personnes.

Il y a la part mathématique qui explique la désormais surfréquentation sur ces secteurs connus et balisés (éloignez vous du GR et des panneaux d’indications, vous êtes a peu près sur d’être tranquille). J
Maintenant mon retour d’expérience et impression : la hausse a été sensiblement rapide. En 2022 et 2023, j’ai passé un certain temps sur le Vercors, le Diois et Belledonne. J’ai littéralement passé deux jours sur les Hauts Plateaux sans croiser personne (au mois de juin) de Darbounouse au pas de l’Aiguille.

En 2025, je n’ai même plus compté. J’en étais desespéré ! La solitude et la tranquillité de l’observation d’une nature paisible se retrouve d’une part franchement aggravée par la foule. Ensuite, le problème viens largement des attitudes :
-des files d’attentes absurdes aux sources d’eaux, avec des individus qui utilisent leurs gourdes filtrantes a tout va (même dans les refuges gardées)
-Soir de match du PSG : des randonneurs qui cherchent desespérement du réseau pour voir le match (oui, oui, oui…)
-Enceinte bluetooth et compagnie, parce que le chant des oiseaux et le bruit du vent, c’est pas assez agréable
-Baignade dans les lacs préservés (vous comprenez hein, c’est la canicule hein)
-Comportement absurde face aux animaux : j’en ai vu vouloir caresser des bouquetins, ou 15 personnes entrain de prendre une pauvre marmotte qui devait se demander qu’étais-ce tout ce marasme…

  • Et puis les déchets, les feus…

La liste est longue. Alors il est question d’éducation, d’apprentissage, etc… oui, tout ceci est assez enjoliveur, mais non, car nous sommes dans une boucle trop pernicieuse et , enfait, la solution va devoir être un repli car sinon, il va clairement y avoir une dégradation sensible de l’environnement.
Car si il y a d’une part, et je la crois sincère, un intérêt sensible à la nature, la montagne, la beauté et la tranquillité chez les randonneurs ; il y a chez trop d’entre eux, un aspect d’immédiateté, de consommation du bonheur et du plaisir, une forme de « recharge de batteries », de « pause », pour s’extraire de l’enfer citadin, je dirais même parisien en majorité. Car sur les longs weekend, les nombreux et nombreuses randonneurs avec qui j’ai discuté qui en venez, et paf le chien !
Hors, a partir du moment ou le bivouac en montagne et ces contours est vu comme un loisir uniquement a but de gloire personnelle (rares sont ceux qui n’en feront pas une publication instagram séductrice) , vécue en vase clos au milieu des autres, avec cette persuasion que « Je suis ici car j’en ai le droit et que je peux en faire ce que je veux » , alors oui il y a un souci. Un souci permanent de rapport au vivant, a son prochain et a l’espace, une philosophie dont l’essence n’est pas la contemplation et la compréhension mais la consommation.

On peut avoir un postulat positf et dire « ouiiii… c’est quand même mieux que d’être cloitré chez soi…; c’est un intérêt pour la natuuure ». Oui, il y a des aspects positifs, ils ne sont pas négligeables. Mais dans la masse, l’emporte la forme contemporaine d’égoïsme du plaisir.
Une chose qui appuie cela est selon moi la difficulté à nouer des conversations avec le nombre de personnes qu’on croisent / rencontrent. Chaque groupe ou individu est dans son espace.
Bon dieu, pourtant, on est là, à la base, pour la même chose non ? Il y aurait à dire, a faire, a apprendre de chacun ? Et bien souvent je me heurte à la gêne, au refus.
Mais comment définir un bon randonneur d’un mauvais ? Quel déterminisme apporter ? Et a la fin, ceux qui resteront, avec une sélection, ce seront qui : ceux avec les moyens ? Ceux avec une éducation, il faudra passer un diplôme ? Un péage de bonne conduite en montagne (horreur !) Très difficile de fournir une réponse. Je me dis qu’une augmentation des éco gardes dans certaines réserves seraient pertinents. Je n’ai pas la réponse. Mais franchement on se trouve dans des situations ou la connerie de privatisation de la Haute Chartreuse, on pourrait presque la comprendre !

Et je ne parle même pas des refuges aisément accessibles (Le Léat, Roybon pour ne pas les citer) ou on se trouve avec des fêtards, des voleurs de matériels et des appropriation d’espaces délirantes. Mais je vais m’arrêter là.

Si la nature est trop foulée et brusquée, elle perd forcément sa quiétude et son essence. Beaucoup trouveront peut être choquant mon postulat mais, en tant que contemplateur, observateur des éléments, et aimant le silence, je me retrouve heurté par l’usage touristique qui est fait de certains espaces montagnards. Et je ne pense pas être seul.

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Clairement. Y’a plein d’endroits où je ne serais pas allé sans C2C.
Et je fais partie de la surfréquentation, au même titre que tous les autres.

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Même si je partage parfois les mêmes frustrations que toi, j’aurais du mal a préciser en quelle façon ma pratique personnelle est differente de celle des « consommateurs » cherchant la « gloire personnelle ».

Je ne pense que c’est pas possible, sauf evidemment de se baser sur le respect des règles de base (pas de déchets, pas de feu pour la plupart des endroits, « leave no trace » etc.). Le problème c’est que la plupart des randonneurs se comportent très bien en montagne, y compris la majorité des néophytes. Voiloir ensuite interroger les motivations de chaque pratiquant me semble un peu nombriliste : « moi je vais en montagne pour contempler la splendeur des cimes, alors qu’eux, ils ne viennent que la consommer. »

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Je crois que la ligne de fracture se situe entre le public montagnard « initié » (dont nous pourrions considérer que nous faisons partie) et les « nouveaux publics », majoritairement citadins (parisien, mais pas que), qui découvrent le bivouac, la rando en montagne sans avoir la moindre notion du milieu dans lequel ils se rendent.

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Je suis plutôt d’accord. Mais finalement ça revient au respect (ou pas) du « code de la montagne ».

« on a commencé notre randonnée à 14h. Et à la fin, on a su que c’était aussi infesté d’ours. »
:joy: Hah qand même celle-là je l’adore :+1: :+1: :+1:

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Surtout dans Belledonne!

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:innocent:

Blague à part, je suis bien d’accord: la question n’est pas simple.
Ce qui est malheureux, c’est que l’on aura toujours tendance à règlementer pour tout le monde à cause des excès de quelques-uns; quand j’ai commencé, on pouvait planter sa tente (presque) partout, pour peu qu’on marche un peu, et la montagne était un vaste espace de liberté. Maintenant, cet espace de liberté semble se réduire, alors que la montagne est restée la même.

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Ouais après attention, être initié ça veut dire quoi ? Jai personnelle passé 22 ans de ma vie sur une région plate. Et pourtant, j’ai un comportement que je veux le plus « respectueux » possible. Ce n’est pas que je sois initié a la montagne en particulier, mais au calme entre autre…la notion de silence est quelque chose qui dépasse d’ailleurs le simple cadre montagnard.

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Effectivement. On a à la fois des gens qui grimpent en GV dans les Aiguilles Rouges avec l’enceinte portable dans le sac… (par exemple) et d’autres qui piquent-niquent en forêt de Fontainebleau avec les mêmes enceintes. Il faut croire que le silence fait peur…

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« j’espère qu’elle va passer », pourquoi être réfractaire au fait que les « jeunes » se mettent à la montagne ? Elle est réservée aux vieux ? Le bivouac doit être élitiste et fermé aux nouveaux pratiquants ?? Non non non… C’est tout de même bien con-servateur de penser comme ça. Oui il y a une grosse augmentation de la pratique du bivouac de la part des jeunes, et c’est génial ! D’autant plus que les classes sociales les plus défavorisées s’y mettent aussi. Je ne peux m’empêcher d’esquisser un grand sourire quand je vois des jeunes des quartiers grenoblois descendre matinalement du lac crozet. Les bienfaits du grand air ont d’autant plus d’impact sur eux. Oui les nouveaux ne connaissent pas forcément les « codes », mais profitons en pour en apprendre plus sur eux et les interpeller sur les règles de bases de ce fragile milieu (déchets, bruit, pastoralisme…) en cas de comportement non adapté. Vive la montagne pour tous !

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Le débat n’est pas neuf. Il remonte, en réalité, au développement du tourisme après 1936 et aux politiques menées après 1945 et qui ont permis l’arrivée des classes populaires en montagne.

Et rien n’a bien changé, d’ailleurs.

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Je pense que c’est un leurre de cibler uniquement la jeunesse. Je pense justement qu’il n’y a pas « qu’eux ». Justement, c’est très binaire de penser élitisme et positionnement conservateur. Et d’ailleurs je pense que la jeunesse grenobloise par exemple, est une jeunesse elle même élitiste. La sociologie de Grenoble et ces alentours est très mal représentée en montagne, si on y regarde bien.

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Peut-être aussi est-ce une question d’éducation. On (mes parents) m’a appris à laisser les lieux propres quand on quitte un endroit, à me comporter de telle façon à ne pas gêner autrui, à respecter les règles générales de la vie sociale etc. etc.
Pourquoi en irait-il différemment en montagne ?
D’autre part, il est bien connu qu’il suffit de deux ou trois connard.e.s pour foutre la pagaille là où ça se serait très bien passé sans eux. Et bien sûr, après, on ne parle plus que des connard.e.s en question et on s’empresse de généraliser.
Enfin il faut remarquer que ces points de fixation sont tout de même assez rares puisqu’on prend la peine d’en gloser dans les tabloïds. La montagne en général est plutôt tranquile.

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Faudrait éviter de me faire dire ce que je n’ai pas dit

  1. je n’ai jamais dit que le fait que ce soit majoritairement des jeunes soit un problème c’est juste un constat qui semble d’ailleurs assez logique vu que c’est une nouvelle mode et que c’est notamment véhiculé par les réseaux sociaux…
  2. ce n’est pas moi non plus qui ai parlé de « jeunes de quartiers » ni même de citadins; et d’ailleurs les « jeunes » que je connais qui font ça ne sont pas spécialement « des quartiers » ni défavorisés socialement, et sont originaires de régions de montagne et pas de Paris non plus (autre cliché)…

Le seul problème auquel j’ai pensé en disant « j’espère qu’elle va passer » est la dégradation de l’environnement des coins qui sont pris d’assaut et ce quel que soit le comportement des dits bivouaqueurs, ya un moment trop c’est trop.

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Juste en passant, C2C ait aussi partie des réseaux sociaux… :wink:

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Oui mais très honnêtement je ne pense pas que C2C y soit pour beaucoup à cette mode des bivouacs en montagne juste pour le bivouac. C2C est un site de montagne où certes on se la montre un peu via les sorties mais c’est pas ici qu’il y a des sorties juste pour faire un bivouac au lac machin à 2h de marche.

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