Posté en tant qu’invité par catherine:
Pour bien ressentir tout le drame de la situation, il vous faut avoir lu, dans l’ordre :
1 - La petite annonce au caf
2 - La fièvre au bivouac
3 - La grande peur dans la montagne
NDLR : où l’on voit que l’art est mis en valeur par une certaine nudité, et que toute mesure modifie sans doute l’objet testé mais aussi sûrement le testeur
NDLR2 : le lecteur est expressément prié de ne voir aucune corrélation entre les deux assertions ci-dessus
Une peur panique m’envahit, mes jambes flageolèrent, je sentis la sueur couler le long de mes tempes, mes mains devinrent moites.
Une idée me vint à l’esprit : si on redescendait, là, maintenant, tous les deux ? il me sembla oppurtun, voire obligatoire, de ménager la susceptibilité de mon coéquipier, donc j’enrobai la chose : « je ne me sens pas bien, j’ai la fièvre, ça doit être mon angine… sisis je t’assure, ça ne va pas du tout, il vaut mieux que je redescende… »
Peine perdue ! Son entêtement à continuer était irréductible ! C’est ainsi que je fus obligée de poursuivre cette escalade qui devait nous conduire à la catastrophe, à l’accident, j’en étais convaincue…
Je ne sais combien de temps ni combien de longueurs de corde dura cette torture, mais cela me sembla une éternité. Mon cœur battait la chamade, je transpirais à grosses gouttes, j’avais le feu aux joues, chaque moment me semblait le dernier. J’allais le plus vite possible, je faisais débarouler des pierres, je ne me souciais plus de bien grimper, de « faire joli », je cherchais seulement à rejoindre en vie chaque relai qui me rapprochait du haut, puisque le seul salut possible, s’il pouvait y en avoir encore un, serait en haut. Et lorsque j’assurais, je me préparais au pire…
Soudain, tout ce que j’attendais avec tant d’anxiété, d’angoisse, … arriva !
Nous étions au sommet ! (là je vous sens très déçus, non, non, ne niez pas ! vous espériez avec vos petits yeux brillants de convoitise qu’on s’explose hein ?)
Deux cordées montées par la voie normale étaient là, et avaient déjà posé un rappel. Je me suis jetée et vachée sur le gros anneau métallique comme un naufragé s’accroche à la bouée qu’on vient de lui jeter, et je me suis enfin libérée des liens qui me ligotaient à ce JC de cauchemar !
Je devais avoir un air d’hallucinée car les gens me regardaient d’un air bizarre, surtout lorsque je soufflai à l’un d’eux « je suis avec un fou, je n’en peux plus, laissez-moi descendre tout de suite s’il vous plait ». Ils m’ont laissée descendre sur leur rappel, non sans avoir bien vérifié eux-mêmes mon baudrier, mon « 8 », mes mousquetons, mon prussic…et demandé cent fois « ça ira ? vous êtes sûre ? vous ne voulez pas qu’on vous assure du haut ?.. »
Je crois bien que je n’ai jamais descendu aussi vite ce rappel, puis le petit couloir en-dessous, et j’ai foncé au bivouac récupérer mes affaires. Tout en enfournant mon duvet dans mon sac à dos, je levai les yeux, et je vis un attroupement au pied de l’Index. J’ai tout de suite pensé : « aïe, ça y est ! il s’est cassé la figure ! » et je me suis approchée avec anxiété.
La foule était là, silencieuse, je me suis faufilée parmi les badauds, très inquiète. Le sac de JC était posé sur le côté, avec quelques affaires… C’est alors que je le vis : il s’était mis torse et pieds nus, en short, un bandeau dans les cheveux, et devant la foule admirative, bouche bée, il gratonnait en traversée à plus de 15 mètres du sol, dans de savantes contorsions alliant croisements, étirements et contre-appuis.
Je me suis esquivée avant qu’il ne s’écrase par terre.
Quelques nuits d’insomnie plus tard, je passai à tout hasard à l’OHM, et le gars à l’accueil me reconnut : « alors, cette face Est de l’Index que je vous avais conseillée, vous y êtes allée ? »
Encore toute émotionnée, je lui racontai ma mésaventure, c’est alors que le gars rameuta tout le monde « vous voyez cette jeune femme ici, eh bien elle est allée faire de l’escalade encordée avec JC ! »
Un souffle mystique traversa l’OHM et je fus promue illico au rang de miraculée.
Le JC en question était fort connu des services de secours héliportés qui avaient dû à maintes reprises aller le récupérer dans de grandes voies où il se retrouvait soit bloqué soit accidenté.
Il semblait que jusqu’à présent il n’avait réalisé ces genres d’exploits qu’en solo, mais je l’avais échappé belle !
Je n’entendis plus parler de lui, je pensais que peut-être j’avais assisté à sa dernière représentation. Le souvenir de cet incident m’avait profondément ébranlée : moi qui tenais tant à ma sécurité, qui choisissais scrupuleusement mes coéquipiers et mes courses, comment n’avais-je pas su déceler à temps ce qui clochait ?
Plusieurs années plus tard, quelques lignes dans une grande revue de montagne me rassurèrent sur mon niveau de naïveté : JC, « mon » JC, préparait une expédition dans un des grands massifs des Alpes, et s’apprêtait à réaliser la première en solo d’une grande face. Pour cela, il acheminait une quantité astronomique de matériel et de victuailles, le tout porté à dos d’homme depuis la vallée lors d’innombrables allées et venues, par JC lui-même et quelques aides-porteurs.
Par la suite j’appris qu’une avalanche ou qu’un éboulement avait englouti tout le dépôt avant que la tentative d’ascension elle-même ait commencé, tout ceci sans doute au grand soulagement des sauveteurs !
Cette petite histoire correspond à une aventure qui m’est réellement arrivée, mais j’avoue que je l’ai quand même un peu « arrangée »…
Ne recherchez donc pas la date de l’évènement, ni le nom de mon protagoniste ! (au fait JC ne sont pas ses initiales !)
Et si vous regardez le descriptif de la face Est de l’Index dans les topos de C2C, vous devez vous dire que tous les deux, on a drôlement purgé la voie !
N’empêche que le problème reste entier :
Comment savoir si le menu du restaurant est bon ?
si on skiera mieux en diamir ou en lowtec ?
si on peut s’encorder avec un gars recruté sur C2C ?
si on sera plus mignone avec les cheveux courts ?
Pour savoir, il faut tester, et certains tests sont parfois irréversibles, du moins dans l’immédiat… (euh, c’est long à repousser, les cheveux ?)