POUR DES ASSISES DE L’ALPINISME
ET DES ACTIVITES DE MONTAGNE
Par l’Observatoire des Pratiques de la Montagne et de l’Alpinisme - mars 2010
Parce que, récemment, les pratiques de la montagne se sont multipliées et considérablement diversifiées, nous pensons souhaitable, non d’opposer, mais de distinguer ces activités les unes des autres. Il nous importe, en effet, de mettre en évidence celles qui, comme l’alpinisme, proposent de s’engager en montagne hors des espaces aménagés et sans se préoccuper de compétition organisée. La démarche de l’alpinisme, en effet, ne se veut ni confrontation avec une montagne équipée, ni confrontation des hommes entre eux, mais découverte et fréquentation d’un milieu préservé en tant que terrain d’aventure.
Aussi invitons-nous à un large débat tous ceux qui s’intéressent au devenir des pratiques de la montagne, les alpinistes en particulier. Ce sera l’occasion, pour eux, de dire ce qui caractérise l’alpinisme à leurs yeux et ce qu’ils attendent, tant des pouvoirs publics que des institutions qui les représentent et, souvent, organisent leurs pratiques.
Notre objectif est de préparer, pour 2011, des « Assises de l’alpinisme et des activités de montagne ».
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I. Pourquoi ?
Au cours des dernières décennies, sous les effets de la mutation des activités de loisirs, les sports de montagne se sont diversifiés avec, en particulier, l’aménagement d’espaces jusque-là délaissés. De nouvelles offres se sont multipliées autour de l’eau vive, de l’air, de la verticalité mais aussi de la neige et de la glace. À côté des zones de la haute montagne, territoire de prédilection des activités habituelles de montagne comme la randonnée, l’alpinisme ou le ski de raid, des sites plus accessibles au « grand public », ont vu le jour. Il s’agit d’espaces aménagés permettant de s’adonner à de nouveaux loisirs récréatifs dans lesquels la prise de risque est atténuée, voire supprimée, par des équipements de sécurité. Dès lors, ces activités de fond de vallée viennent prendre place dans l’imaginaire montagnard traditionnel au point de brouiller l’image et les valeurs des pratiques tournées vers une recherche de l’autonomie et de la responsabilité.
Simultanément, la mise en scène des performances sportives et leur représentation spectaculaire semblent devenir les nouvelles manières de construire les figures de l’héroïsme moderne, en montagne comme ailleurs. Cette situation a encouragé les communes de montagne à essayer d’associer leur nom à l’organisation d’évènements médiatiques et festifs autour des sports de montagne. On assiste ainsi à la multiplication des manifestations sportives de compétition en montagne, comme les coupes du monde d’escalade ou de cascade de glace, les courses de ski de montagne, les trails et autres raids aventure.
Dans ces regroupements qui associent des participants de tous niveaux, les organisateurs balisent les itinéraires et sécurisent les zones traversées, y compris en haute montagne. Ces formes de pratique sportive expriment un nouveau rapport à la montagne et, de ce fait, modifient les représentations de la haute montagne en les banalisant. Aux yeux du grand public, les activités de montagne apparaissent alors comme des sports semblables à ceux qui se déroulent dans des milieux aménagés. Cette vision qui banalise l’alpinisme trouve un écho dans les institutions en charge de l’environnement qui envisagent de plus en plus de réglementer l’accès à des espaces naturels en englobant tous les types d’activité, y compris l’alpinisme qui est pourtant l’activité le plus en accord avec le milieu naturel.
Face à cette situation, un certain nombre d’alpinistes, jeunes ou vieux, ont le sentiment que ces évolutions tendent à réduire l’espace de leur pratique et la place faite à l’aventure avec tout ce que celle-ci comporte d’invention, d’imagination et d’initiative. Sans mettre en cause les diverses pratiques de la montagne qui veulent répondre à la fois aux besoins d’un tourisme de masse et aux inquiétudes sécuritaires de notre société, il leur paraît important que soit distinguée, reconnue et valorisée la spécificité des activités qui relèvent d’une démarche comme celle de l’alpinisme. A la différence des activités centrées sur la compétition ou pratiquées en terrain sécurisé, ces activités ne se veulent ni confrontation avec une nature aménagée, ni confrontation des hommes entre eux, mais découverte et fréquentation d’un milieu préservé.
Parce que les diverses formes de l’alpinisme se sont développées en prenant de la distance par rapport aux sports codifiés, leur spécificité est de permettre des expériences de liberté et de responsabilité dans des environnements incertains. Une prise de risque calculée donne du sens à cet engagement, procure un enrichissement personnel, et permet de mesurer sa capacité à sortir des parcours aménagés en maîtrisant sa propre sécurité.
Ce besoin de reconnaissance est d’autant plus important aujourd’hui qu’une nouvelle génération de jeunes pratiquants, initiés à la montagne par le ski hors piste et formés à l’escalade d’abord en salle puis sur des sites sécurisés, est en train d’investir à un très haut niveau technique tous les terrains d’altitude, en individuel ou en club. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir découvrir l’alpinisme en passant par la cascade de glace, le ski de montagne avant de s’engager dans de grandes voies en milieu naturel.
Une telle évolution mériterait d’être fortement soutenue, alors que l’on assiste aujourd’hui à un désengagement de l’Etat à l’égard des loisirs pour tous. Ainsi, faute de subventions et d’une volonté politique clairement affichée, l’UCPA, entre autres, a du mal à faciliter l’accès des jeunes aux pratiques de nature. Simultanément, les organisateurs de classes de neige, de classes vertes, de séjours à la montagne pour les enfants et les adolescents sont soumis à des contraintes administratives, réglementaires et financières de plus en plus drastiques. Les encadrants redoutent le moindre incident qui pourrait donner lieu à une mise en cause judiciaire.
Cette situation ne contribue guère à diffuser auprès des nouvelles générations l’envie et le goût de s’adonner à des pratiques d’aventure en s’appropriant les techniques de sécurité. Aussi devrait-elle inciter les différents acteurs des régions de montagne à compter avec l’alpinisme pour le développement touristique de leurs territoires. Déjà, quelques collectivités locales organisent utilement, dans un but pédagogique, des stages de découverte de la montagne, en particulier pour les jeunes de quartiers péri-urbains. Il faut s’en réjouir et encourager de telles initiatives.
II. Comment ?
Aujourd’hui, nous pensons qu’il faut montrer la diversité des pratiques de la montagne et mettre en évidence celles qui, comme l’alpinisme, permettent d’aller en montagne hors des espaces normalisés.
Cette distinction est importante, en particulier dans le cas de l’escalade sur des parois aménagées dont le développement peut conduire à une confusion avec l’alpinisme.
Afin que l’alpinisme demeure une activité spécifique aux valeurs attractives pour l’individu comme pour la société, afin que l’aventure reste possible en montagne pour les générations futures, afin que l’alpinisme, dans ses différentes formes, contribue au développement d’un massif ou d’une région, et afin que soient mises en place des passerelles entre les diverses activités de montagne, la communauté des pratiquants doit désormais se mobiliser.
Aussi invitons-nous à un large débat dans l’ensemble de l’espace montagnard de l’hexagone. Notre objectif est de préparer pour l’année 2011 des « Assises nationales de l’alpinisme et des activités de montagne ». Elles seront l’occasion pour les alpinistes de dire publiquement ce qui caractérise l’alpinisme à leurs yeux, ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils attendent tant de l’Etat que des institutions qui les représentent et, souvent, organisent leurs pratiques.
D’ici là, nous souhaitons aller à la rencontre des pratiquants afin d’élaborer, avec eux, des propositions prenant en compte la diversité de leurs points de vue et de leurs activités.
Différents thèmes et interrogations devront être abordés lors de ces échanges. Nous proposons ici un cadre de discussion permettant d’en rendre compte.
III. Thèmes à débattre :
1. Qu’est l’alpinisme à vos yeux ?
. A quels mots associez-vous spontanément au mot : alpinisme ?
. Que vous apporte l’alpinisme qu’aucune autre activité ne vous procure ?
. Si vous allez en montagne et ne pratiquez pas l’alpinisme, pourquoi ?
2. Domaines éthique et pédagogique :
. L’attention portée à l’environnement ;
. L’importance donnée aux valeurs formatrices de la découverte, de l’autonomie, du risque calculé, de la responsabilité.
3. Qu’avez-vous à dire ou à demander ? Quelles revendications ?
- dans le domaine institutionnel : le rôle de l’Etat - au plan législatif notamment ? celui des collectivités territoriales ? celui des fédérations ? leur capacité à nous représenter et à intervenir auprès de l’opinion et des pouvoirs publics ;
- dans le domaine économique : la pression des aménageurs, des promoteurs, des fabricants ; le rôle de la publicité, des médias ;
- dans le domaine réglementaire : la sécurité, les conditions de circulation, d’encadrement, de fréquentation ;
Le groupe de préparation des
Assises de l’alpinisme
Sur Camptocamp, la discussion se passe sur le forum Café-Alpinisme